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l’appui des évêques de la cour lorsque ses chances favorables commencèrent à se dessiner. Nommé vers la fin de février 406, il fut ordonné, comme Arsace, dans l’église des Apôtres, qui servait de basilique principale, tandis que Sainte-Sophie sortait peu à peu de ses ruines. Avec un pareil homme, l’occasion parut bonne à la faction des sycophantes de reprendre et de réaliser enfin ce grand plan de domination générale ou plutôt d’oppression des églises d’Orient que l’indolent Arsace avait laissé dormir dans ses mains. C’est ici le lieu de dire ce qu’était ce plan, et quelles effroyables douleurs l’exécution d’un pareil dessein fit tomber sur les catholiques des provinces.

La séparation que nous avons vu se former dans l’église de Constantinople après la seconde condamnation de Chrysostome avait passé dans les diocèses voisins, puis dans toutes les provinces, et chaque église avait actuellement son parti joannite, qui maintenait la communion avec l’archevêque exilé, et son parti anti-joannite, qui acceptait la communion de l’archevêque intrus. Les deux partis s’y faisaient la guerre, comme à Constantinople, avec un redoublement de vivacité qui répondait au tempérament asiatique ou syrien. En Syrie surtout ; patrie du grand homme dont l’infortune aujourd’hui remplissait le monde, comme autrefois son génie, la cause joannite comptait de chauds partisans parmi les évêques et les clercs, et surtout dans la masse du peuple. Or les persécuteurs se disaient avec raison qu’il n’y avait qu’une demi-victoire de gagnée, si l’on étouffait ce qu’ils appelaient le schisme à Constantinople en le laissant se développer ailleurs, et ils imaginèrent le moyen suivant de l’extirper dans tout l’empire. Ils proposèrent à l’empereur d’établir dans les trois grands patriarcats de l’Orient trois centres de communion religieuse auxquels tous les évêques d’une certaine circonscription seraient tenus de se rattacher sous peine de déposition et d’expulsion violente au besoin ; les trois patriarches étaient de plus investis du droit de nommer eux-mêmes d’autres évêques à la place des récalcitrans. Leurs droits s’étendaient en outre sur la composition des clergés des villes, et toute résistance était punie d’excommunication ecclésiastique accompagnée de pénalités civiles ; c’était en un mot la plus affreuse tyrannie pesant sur toutes les églises, leur droit électoral supprimé, leurs libertés abolies, leur dignité foulée aux pieds. Les ressorts de ces potentats comprenaient, outre l’étendue de leur juridiction métropolitaine, certains territoires annexés ; ainsi le patriarche d’Alexandrie avait sous son pouvoir l’Égypte et très probablement encore la Palestine ; le patriarche d’Antioche devait régner sur la Syrie, l’Arabie et la plus grande portion de l’Asie-Mineure ; le reste des églises ressortissait du patriarche de Constantinople. Le faible Arcadius s’était empressé