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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


cette lettre à Olympias, un mot qui fait frissonner dans la bouche d’un homme tel que lui. « Je suis maintenant à Gueuse, lui dit-il, bien vu de tout le monde et en sûreté : ne craignez pas pour moi les Isaures, que l’hiver emprisonne dans leurs montagnes ; quant à moi, je ne redoute rien que les évêques, un petit nombre excepté. »

VIII.

Pendant que le vrai pasteur de l’église de Constantinople, l’archevêque légitime pour tous les catholiques fidèles, gagnait, à travers tant d’aventures diverses, la prison de son exil, le faux pasteur, l’intrus, Arsace en un mot, faisait peser sur ces mêmes fidèles le poids de toutes les rigueurs ecclésiastiques et civiles. Malgré l’acharnement d’Optatus et son habileté féroce, l’information sur le crime d’incendie n’aboutissait pas ; on n’avait pu obtenir aucun aveu, et Arcadius, las de tant de cruautés inutiles, inclinait enfin vers la clémence. Il rendit, à la date du 29 août 404, plus de deux mois après l’ouverture des enquêtes, un décret qui confessait franchement l’inanité de la procédure et ouvrait les prisons aux détenus. Les évêques, clercs, moines ou laïques incarcérés sous cette accusation furent donc relâchés, mais à la condition de quitter la ville impériale et de se rendre dans leur domicile particulier comme dans une sorte d’exil. Tel fut le sort des évêques Eulysius et Cyriacus et des clercs de Constantinople, anciens compagnons de Chrysostome, arrêtés avec lui sur le chemin de Nicée et traînés ensuite de cachot en cachot ; leur ordre de mise en liberté n’était après tout qu’une sentence de bannissement.

La joie causée par ce décret au corps entier des joannites fut de bien courte durée, car un autre décret, à la date du 11 septembre, ouvrit contre les schismatiques une persécution non moins rude et non moins injuste que la première. Deux crimes religieux, le schisme et l’hérésie, avaient pris place dans la loi romaine depuis les empereurs chrétiens. Le schisme légal était la séparation d’avec l’église officielle reconnue par le prince, de la même façon que l’hérésie légale était l’adoption d’un symbole autre que celui de la croyance professée par le prince, ce qui n’empêchait pas qu’aux yeux de l’église et sous l’autorité des canons ces mots de schisme et d’hérésie ne reçussent des applications très différentes de la définition légale. Ainsi, dans ce cas particulier, les schismatiques de la loi n’étaient pas ceux de l’église, au moins de la minorité qui défendait le droit hiérarchique et les règles disciplinaires, minorité appuyée en Occident par le sentiment de l’église romaine et d’un