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éloigné. » Il n’osa point verser son chagrin en termes aussi amers dans le cœur d’Olympias, de peur de la blesser par une accusation dont elle pouvait prendre une grande part pour elle-même ; il n’en eut pas le courage ; son langage, dans la lettre qu’il lui écrit en partant de Nicée, est tout différent ; cependant la même pensée y perce sous des mots plus doux. « N’allez pas, lui dit-il, vous tourmenter de ce que mes amis n’ont pu obtenir pour moi la résidence que j’avais demandée. Je suis résigné à celle-ci, et je la regarde comme un bienfait. Peut-être mes amis ont-ils voulu me servir et ne l’ont-ils pas pu. Gloire à Dieu en toutes choses ! Je ne cesserai jamais de répéter ce mot, quoi qu’il me puisse advenir. » Il donna d’ailleurs à Olympias, pour la rassurer, des détails d’une exagération évidente sur son état. « Il faut, écrivait-il, que vous chassiez toute crainte au sujet de mon voyage ; mon corps semble avoir pris plus de force et de santé ; l’air qu’on respire ici m’est favorable, et ceux qui me conduisent déploient à m’être utile tout le zèle imaginable, au-delà même de ce que je voudrais. C’est au moment de quitter Nicée que je vous expédie cette lettre le 3 juillet. Écrivez-moi fréquemment touchant votre santé. Vous pouvez, à cet effet, user de l’entremise de mon cher Pergamius, en qui j’ai toute confiance. Il ne suffit pas que vous me parliez de la santé de votre corps, je veux savoir davantage, je veux apprendre de vous que le nuage de votre tristesse est évanoui. Si vous me transmettez cette bonne nouvelle, je vous écrirai plus souvent et plus longuement, sûr d’obtenir un des résultats que je souhaite le plus au monde, le calme de votre âme. »

Un de ses premiers soins durant son séjour à Nicée fut d’écrire à ses compagnons d’exil, prêtres, évêques et diacres, arrêtés en route, comme on l’a vu, par un mandement du préfet et détenus à Chalcédoine sous l’inculpation du crime d’incendie. La lettre est simple et belle ; il les félicite de souffrir, et de souffrir avec courage les fers et la prison, comme avaient fait les apôtres, les exhortant à avoir d’autant plus de confiance en Dieu qu’ils endureront plus d’injustices et de mépris de la part des hommes. « Je ne doute point, ajoute-t-il, que vos souffrances même n’augmentent votre crédit auprès de Dieu, qui vous accordera plus de force encore pour les supporter… Les apôtres chargés de chaînes se souvenaient toujours de leur mission au fond des cachots, étendant leur sollicitude sur le monde entier : la vôtre aussi se portera sur les maux de nos églises. Saisissez donc toutes les occasions qui se présenteront d’exercer votre zèle et votre ardeur, soit par vous-mêmes, soit par d’autres, plus libres d’agir ; ne négligez rien, dans votre conduite ni dans vos paroles, pour apaiser la tempête déchaînée. Ce zèle produira de bons fruits, on n’en saurait douter ; s’il en était