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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


gner ces sphères sereines et libres où la vertu se complaît. Non-seulement ils n’ont pas su vous envelopper de leurs lacs, mais ils s’y sont pris eux-mêmes, et cette accusation d’incendie, que de misérables et malheureux hommes dirigeaient contre vous comme un sujet de triomphe, n’a servi qu’à les convaincre de calomnie par votre bouche… Songez donc à ce qui s’est passé, à tous les flots qui vous ont soulevée sans pouvoir vous entraîner et faire de vous le jouet de la tempête, à tous les orages qui n’ont pu vous faire sombrer, et au milieu desquels votre barque a sillonné tranquillement une mer furieuse. Songez à tout cela ; mais regardez aussi devant vous le port qui est proche et où se préparent vos couronnes. »

Après Pentadia, ce fut le tour d’Ampructé et des autres diaconesses ou dames attachées à l’église ; mais l’histoire ne mentionne point Salvina parmi les accusées. La cour exempta sans doute d’une comparution ignominieuse cette fille d’un roi maure devenue Romaine par son mariage avec un parent du grand Théodose, et alliée par conséquent à l’empereur régnant. Beaucoup d’autres femmes moins illustres souffrirent comme celles-ci pour une cause qu’elles croyaient être celle de Dieu. Plusieurs furent torturées, flagellées, déchirées avec des ongles de fer : quelques-unes périrent, ou sur le chevalet ou dans les geôles. Le nouvel archevêque de son côté déclara la guerre aux couvens pour les forcer à le reconnaître ; tous les moyens de coercition furent employés, la menace, les châtimens et jusqu’à la faim ; on interceptait leurs provisions, espérant les réduire par la famine. On obtint ainsi l’acquiescement de beaucoup de moines ou de religieuses : que pouvaient faire ces malheureux ? Leur soumission devenait pour Arsace autant de victoires que le parti ennemi de Chrysostome célébrait avec jactance. Olympias avait fondé dans Constantinople un couvent de vierges auquel elle attachait toute son affection et tous ses soins. Pendant son procès, les pauvres filles, se croyant abandonnées, cédèrent aux sollicitations ou à la crainte et firent leur paix avec l’intrus : Olympias ne les revit jamais.

Il y avait en ce temps à Constantinople une vierge déjà fort âgée, connue et respectée de tout le monde ; elle était Bithynienne, d’une famille riche et distinguée de Nicomédie, et se nommait Nicarète, c’est-à-dire Vertu victorieuse. La vertu de Nicarète, c’était la charité. Maîtresse d’un grand patrimoine, elle le dispersa, suivant le mot de l’Écriture, en aumônes, en libéralités aux églises, en bienfaits de toute sorte. Pour être plus à même de le placer, elle vint à Constantinople, ce foyer des misères comme des splendeurs de l’empire, et s’y fit pauvre pour être plus près des pauvres et les pouvoir mieux assister. Par l’inspiration d’une charité presque surhumaine, elle apprit la médecine et la préparation des remèdes,