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d’histoire, il l’est encore, et cela se voit. Son éducation l’avait fortement outillé pour tout entreprendre, et le jour où il lui a plu de se naturaliser Flamand, il n’a pas été un Flamand à la douzaine. Le petit tableau qu’il intitule : Matin des noces ne doit rien à personne, et pourtant il rappelle par le goût, pas le savoir et par l’esprit l’Homme à sa fenêtre, un incomparable chef-d’œuvre. La Dime ne vaut pas beaucoup moins, et M. Zamacoïs vaut presque M. Vibert, et M. Worms peut rivaliser avec M. Zamacoïs, et M. Berne-Bellecour avec son Sonnet et son Désarçonné marche sur les talons de M. Worms. Nous avons là toute une veine de talens jeunes, vifs, spirituels, originaux, qui ont eu l’excellente idée de se mettre à bonne école. M. Meissonier doit applaudir à leur succès, qui ne fait aucun tort à sa gloire.


VI

M. le maréchal Vaillant disait l’année dernière à la distribution du 13 août : « Autrefois la peinture de paysage ne présentait guère qu’un intérêt décoratif ; même dans les majestueuses compositions du Poussin, il n’apparaît que comme un cadre magnifique aux faits et gestes de l’homme, du philosophe, du héros. S’inspirant de Jean-Jacques, de Bernardin de Saint-Pierre, et venant après eux, le paysage moderne a pris une valeur d’expression indépendante de la présence de l’homme. » On aurait pu se dispenser d’apprendre à nos jeunes artistes que Rembrandt, Ruysdaël, Berghem et Claude Lorrain se sont inspirés de Jean-Jacques et de Bernardin de Saint-Pierre ; mais on ne devrait jamais se lasser de leur dire que la poésie du paysage, les impressions fugitives, la tristesse et la joie exprimées par le mouvement des terrains et le feuille des chênes, n’ont qu’une valeur secondaire, si les arbres et les terrains ne sont dessinés comme il faut. Nous sommes empoisonnés de prétendus poètes à l’huile, qui tous, ou presque tous, ignorent l’orthographe des arts plastiques. Lorsqu’ils se rachètent par un mérite transcendant, comme M. Corot ou M. Daubigny, non-seulement on leur pardonne, mais on les admire, en regrettant qu’ils ne soient pas complets. Pour ceux qui apportent dans le paysage cette fausse rusticité, cette ignorance maniérée qu’on admirait en 1848 dans les poésies de M. Pierre Dupont, ils devraient être découragés avec un soin persévérant par les protestations de la critique, l’incompétence du ministère étant aussi notoire que celle du bourgeois.

J’ose même affirmer que l’administration des Beaux-Arts est responsable d’un changement qui s’est fait dans les mœurs depuis une douzaine d’années.