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Vigneron alsacien ferait une bien jolie fontaine ; en attendant, c’est une figure très vivante et très vraie, le meilleur ouvrage à coup sûr de M. Bartholdi. M. Pollet comprend la sculpture décorative comme les artistes romains de l’école du Guide. Son Eloa rappelle certains groupes exécutés au commencement du XVIIe siècle à l’église du Gesù ; on y voit des Religions qui empoignent les Hérésies par la perruque en leur trépignant sur le corps. Le marbre est fouillé comme s’il était de beurre, et la fougue du travail lui donne un certain air de maestria qui en impose à première vue. La Bacchante de M. Marcellin est traitée avec autant de furie et plus d’art ; la facilité naturelle et la pratique savante s’y marient de manière à produire un grand effet de second ordre. M. Carrier-Belleuse a donné la dernière main à cette jolie petite figure d’Hébé couvée par un aigle colossal, que nous connaissons depuis un an, si j’ai bonne mémoire.

Les bons portraits en buste et en pied ne sont pas rares cette fois : le Dupuytren de M. Crauk, conforme aux meilleures traditions du genre ; l’Ingres de M. Étex, conçu et exécuté avec une heureuse originalité ; le Mirabeau de M. Truphéme, figure dramatique et décorative qui fera un beau marbre ; le buste de Crespel, par M. Cugnot, avec ces deux allégories qui rappellent les bronzes d’Herculanum ; un très vivant portrait de M. Charles Garnier, par M. Carpeaux ; un bon marbre du comte Duchâtel, par M. Chapu ; un buste de l’empereur, signé Oliva, et qui mériterait de devenir officiel ; un Bouchardon, traité par M. Schœnewerk dans la manière de Bouchardon ; un bon médaillon de M. Ingres, par M. Lormier ; une jolie terre cuite de Mme C., par M. Déloye ; un buste intéressant de M. Edouard Pailleron, par M. David d’Angers fils, n’épuisent point la liste des œuvres recommandables.

Dans le camp des animaliers, j’ai remarqué un ouvrage estimable, le groupe de M. Cain et deux supérieurs, le Bœuf de M. Isidore Bonheur, qui est d’un beau caractère, d’un bon ensemble, d’un dessin pur, d’un modelé à la fois large et fin, et le Valet de chasse de M. Mène. On vrai bijou, ce dernier groupe ! Le cheval est excellent, la meute menée en laisse fourmille de mouvemens justes et variés ; mais pourquoi l’homme a-t-il les jambes arquées au rebours de tous les principes ?

Il convenait de réserver pour la fin de cette étude une douzaine de sculpteurs jeunes ou du moins nouveaux, qui viennent à l’exposition comme nous allions jadis à la Sorbonne, pour disputer les prix et commencer leur renommée. Quelques-uns sont exempts de l’examen du jury, parce qu’ils ont déjà mérité une ou deux médailles ; mais aucun d’eux n’est hors concours : l’administration les