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lement est presque exclusivement absorbé par la discussion du bill de l’église d’Irlande. Le sort définitif du bill n’est plus aujourd’hui en doute. Quelque vigueur et quelque persévérance que l’opposition ait mises à disputer le terrain, le ministère est resté en définitive victorieux dans tous les votes essentiels ; il garde une majorité fidèle et compacte. L’acte libéral de M. Gladstone ne suffit pas cependant, à ce qu’il paraît, pour désarmer l’Irlande. L’agitation irlandaise s’est ravivée depuis quelque temps sur certains points, elle s’est manifestée par des meurtres, et elle a même été récemment marquée par un incident assez curieux. Le maire de Cork, M. O’Sullivan, a cru pouvoir, dans une réunion, tenue il y a quelques jours, faire l’éloge de plusieurs fenians qui venaient d’être mis en liberté ; il a été applaudi, acclamé avec enthousiasme, et dans le feu de l’improvisation il ne s’est plus arrêté, il est allé jusqu’à exalter cet Irlandais qui l’an dernier essayait de tuer le duc d’Edimbourg en Australie. Pour le coup, le gouvernement n’a plus entendu raillerie. L’attorney-général a mandé M. O’Sullivan devant la chambre des communes pour se voir dépouiller juridiquement de son titre de maire et de juge de paix de Cork. M. O’Sullivan, appuyé par la population irlandaise, a paru un moment vouloir opposer quelque résistance et accepter la lutte ; puis il a réfléchi, il a pensé, en bon commerçant, que les frais de justice étaient chers, qu’il aurait de nombreux témoins à payer, s’il était condamné, et il a prudemment donné sa démission sans attendre l’acte de la chambre des communes. Ce n’est là du reste qu’un de ces incidens intérieurs comme il y en a souvent en Angleterre. Il reste aujourd’hui un fait plus grave et plus délicat qui pèse sur les relations de la Grande-Bretagne et des États-Unis. Le traité que M. Reverdy Johnson, ministre américain, avait signé avec le cabinet de Londres au sujet de la vieille question de l’Alabama vient d’être rejeté par le sénat de Washington, et ce qu’il y a de plus sérieux, c’est que ce vote a eu pourpré-liminaire un discours de M. Charles Sumner qui est un véritable acte d’accusation contre l’Angleterre. Les Américains ne restreignent pas cette affaire à une pure question d’indemnité, ils relèvent fort au-dessus, et ce qu’ils mettent en cause, c’est la conduite de l’Angleterre pendant la guerre de la sécession. Ils veulent faire payer aux Anglais la rançon de leur sympathie pour les rebelles du sud. Cette politique de récriminations, si elle allait plus loin, ne serait pas évidemment sans danger pour les rapports des deux pays, mais entre l’Angleterre et les États Unis il y a d’autres liens, il y a d’autres intérêts, faits pour dominer les humeurs passagères, pour rester l’efficace garantie d’une paix durable entre les deux peuples.

Un événement d’une certaine gravité et d’une nature entièrement favorable semble sur le point de s’accomplir à Florence. Depuis quelques années, la politique italienne souffrait d’une faiblesse intime, du fractionnement des partis, surtout de cette division qui, à la suite de la