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d’omnipotence qui ne sont plus dans le courant des choses, il y a des garanties de responsabilité qui deviennent une condition inévitable. Tout se tient, et un ancien président de la chambre de commerce de Lyon le disait l’autre jour avec un grand bon sens, avec un sens très pratique devant des négocians assemblés pour lui faire fête : « il est des états où, comme en Amérique, la constitution politique doit amener la liberté économique ; il en est d’autres où la liberté économique appelle et précède la liberté politique ; c’est que, messieurs, la liberté est bonne partout. » Le meilleur programme pour le gouvernement sera certainement désormais le plus large ; le gage le plus efficace de sécurité contre les oppositions révolutionnaires sera une initiative hardie, sérieuse, continue, dans ce mouvement qui ramène la France vers la liberté après des épreuves où elle a été quelquefois prise de doutes poignans, où elle a paru par instans près de s’abandonner, mais où en fin de compte elle a retrouvé sa virilité et sa foi. Ces élections seront, nous n’en doutons pas, une révélation pour le gouvernement et pour le pays. On se battra encore le lendemain sur les résultats, comme on se bat la veille sur l’inconnu de ce scrutin. N’importe, le sentiment libéral de la France éclatera à travers tout. Il sera la force de ceux qui sauront le satisfaire et le diriger, comme il serait la faiblesse de ceux qui auraient la mauvaise inspiration de lui résister.

Tout est pour le moment à cette solennelle et décisive épreuve, devant laquelle l’Europe elle-même reste attentive. Les affaires du dehors se noient dans ce mouvement intérieur. Les questions de politique extérieure n’occupent même pas une grande place dans les discussions électorales. C’est à peine si dans certaines réunions on a parlé jusqu’ici de nos rapports avec, la Prusse et avec l’Allemagne, de l’Italie, de l’occupation de Rome, et il est à remarquer que toutes les fois qu’on a touché aux affaires de Prusse, à la guerre de 1866, il y a un sentiment public qui a semblé souffrir. Quant à se demander où en sont ces épineux problèmes, ce qui arrivera demain, quel peut être le rôle de la France en Europe, on n’est pas allé jusque-là. Les auditoires populaires ont l’instinct de certaines choses, ils ne comprennent pas ces obscures complications d’intérêts, d’influences, qui font quelquefois de la politique extérieure une indéchiffrable énigme. Elles suivent cependant leur cours, ces terribles questions d’où s’échappe à certains momens la guerre entre les peuples. Tandis que nous en sommes à nos élections, l’Allemagne en est à ses polémiques, à ses problèmes d’organisation, à tous les embarras d’une transformation qui à la longue finit par devenir plus difficile et plus embarrassante qu’on ne le croyait d’abord. Les journaux prussiens poursuivent plus que jamais l’Autriche d’une implacable guerre, toujours au sujet de cette fameuse dépêche de M. de Bismarck à M. de Goltz, où se dévoilent si complètement à la vérité les préoccupations purement annexionistes de la Prusse dans les négociations de Nikolsbourg. Plus que