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versel ? Ce n’est point dans ses instincts démocratiques que la France se sent atteinte ; elle souffre d’une longue restriction de liberté ou d’une incertitude des garanties publiques. C’est le libéralisme, c’est-à-dire la revendication de toutes les garanties essentielles, de toutes les libertés nécessaires, qui est le mot de cette situation. Un honorable avocat de Paris, dont la candidature aurait dû avoir une meilleure fortune, et qui a écrit une profession de foi remarquable par la netteté autant que par la largeur des idées, M. Allou, montrait récemment que la démocratie radicale n’est qu’une sédition inutile ou qu’elle se confond avec le libéralisme, et il ajoutait il y a peu de jours encore : « On prétendait autrefois que la France était centre gauche, on peut dire aujourd’hui qu’elle est libérale. » Bien n’est plus certain, et ce qui est vrai aussi, c’est qu’avec le libéralisme seul on peut arriver par degrés, dans la mesure du possible, à la solution de tous ces problèmes sociaux qui tourmentent les esprits, parce que le libéralisme, c’est l’étude, c’est la discussion, c’est la transaction incessante entre tous les intérêts, c’est la possibilité de tous les progrès et de toutes les réformes sans révolution, dans la paix intérieure.

La question est de savoir aujourd’hui qui l’emportera de cette force régulière et légale d’un libéralisme grandissant ou de la démocratie radicale doublée d’une opposition révolutionnaire. C’est précisément cette lutte, il ne faut pas s’y tromper, qui fait de la réélection de M. Émile Ollivier à Paris une affaire importante, un vrai drame aux émouvantes péripéties. C’est le choc violent de deux politiques. M. Émile Ollivier, nous ne le méconnaissons pas, s’est attiré des inimitiés ardentes par ses évolutions d’idées, par cette position qu’il a prise à un certain moment comme plénipotentiaire de la liberté auprès de l’impérial auteur de la lettre du 19 janvier 1867. Le député de la 3e circonscription de Paris devait naturellement trouver des difficultés dans son passé, dans ses relations anciennes, et à ces difficultés il en a ajouté d’autres qui tiennent peut-être à son caractère. M. Émile Ollivier, il n’y a point à le nier, a des excès et des travers de personnalité ; il n’a certainement pas montré toujours le tact le plus parfait dans ses démarches et dans sa manière de les expliquer. Il est peut-être un peu trop persuadé qu’il est le grand et unique promoteur de la renaissance libérale actuelle. Somme toute cependant, s’il n’est pas le seul qui ait travaillé à cette renaissance, il a été l’un des premiers à entrevoir le but et à se mettre en marche. Avant tous, il est rentré dans la vie publique, où il n’a été suivi que plus tard par ceux qui se réfugiaient jusque-là dans l’abstention. Ce droit de réunion, dont on se sert aujourd’hui si passionnément contre lui et qui s’exerce en définitive avec une assez grande liberté, il a contribué plus que tous à le faire revivre. Si la presse a échappé au pouvoir discrétionnaire, il n’y est point étranger. S’il s’est trompé, ce n’est point certainement par excès d’habileté captieuse et d’ambition vulgaire.