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l’indépendance ; c’était la période des héros. La seconde a fondé un gouvernement régulier, une constitution libérale, elle a bâti des villes, créé une marine, ouvert des comptoirs et des écoles. C’est à la génération nouvelle de faire le reste.

Or Athènes, avec son triple port spacieux et bien abrité, se trouve sur la voie la plus fréquentée du commerce et la plus avancée en civilisation. La ligne droite qui va du Mont-Cenis à Suez traverse l’Épire, l’Acarnanie, l’Étolie, et, longeant la côte du Péloponèse, atteint l’isthme de Corinthe et enfin le Pirée. L’opinion publique en Grèce et à Constantinople commence à se préoccuper de cette idée, car elle contient manifestement une bonne partie de l’avenir de la Grèce. Arrêtons-nous donc un moment sur cet important sujet. Il est possible, en partant du Pirée, de gagner l’isthme de Corinthe, dont le col est à 80 mètres au-dessus des deux mers ; de ce point, on ne rencontre sur toute la côte de Morée aucun obstacle ; c’est un rivage fertile, et le port très fréquenté de Patras est à la sortie du golfe ; les deux promontoires qui font de ce dernier une sorte de lac sont à 1,800 mètres l’un de l’autre ; on peut franchir cette distance soit sous la mer, soit au-dessus. Au-delà, une suite de lacs, de plaines et de golfes conduit à la ville d’Arta ; d’Arta, une vallée monte vers le nord-ouest dans la direction de Janina, d’où une autre vallée, longue, étroite et fertile, celle de l’Aoüs, descend dans la même direction jusqu’au port d’Avlona en Albanie. Le col qui sépare ces deux cours d’eau est à une faible hauteur au-dessus de la mer ; avec un souterrain de quelques centaines de mètres, la pente moyenne depuis Arta serait à peu près de 2 millimètres par mètre ; du côté d’Avlona, elle serait de 1 millimètre et demi environ. Cette voie ferrée paraît donc s’offrir dans les conditions d’une entreprise réalisable. Si elle était exécutée, Athènes serait à dix heures d’Avlona, port spacieux, rade excellente, qui a joué un rôle important durant tout le moyen âge. De là jusqu’à Brindes, les navires à vapeur mettraient cinq heures pour traverser l’Adriatique : ce serait le seul espace de mer que l’Occident aurait à franchir pour se rendre au Pirée, point de l’Europe le plus avancé vers l’Orient. On ne peut guère douter que la malle, les voyageurs et les marchandises rapides ne prissent cette voie, qui en moins de trois jours les conduirait d’Athènes à Paris. Le port du Pirée deviendrait l’un des principaux points d’attache du mouvement maritime de l’Orient et l’une des plus importantes têtes de ligne des grands chemins de fer de l’Europe.

Il en résulterait pour le pays un avantage immédiat, qui rendrait son avenir plus facile, car une telle voie ne peut être faite qu’avec les capitaux de l’Europe ; mais le travail serait exécute par les