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principal mouvement financier du monde hellénique dans ses rapports avec les étrangers. Une foule de Grecs sont banquiers, ou font la banque tout en ayant un commerce particulier. Il en résulte pour eux un accroissement quelquefois rapide de leur avoir. Au sortir de la guerre de l’indépendance, on peut dire qu’il n’y avait pas en Grèce un seul homme riche ; depuis ce temps, il s’est formé un grand nombre de fortunes, dont quelques-unes sont considérables. Beaucoup de capitaux ont été immobilisés dans les constructions des villes ; mais la plupart sont restés engagés dans la marine et dans la banque, où ils produisent souvent de forts intérêts. Malgré la catastrophe dont un ministère aux abois l’a menacée l’hiver dernier, la Banque nationale a distribué 13,75 pour 100 à ses actionnaires. Elle est organisée sur le modèle de la Banque de France ; elle est dirigée avec prudence et honnêteté ; elle est la pierre fondamentale du royaume grec, et l’on peut dire qu’elle serait un des meilleurs établissemens financiers de l’Europe, si elle était sûre de n’être jamais mise au pillage par quelque mauvais gouvernement. La marine et la banque sont les deux mamelles de la Grèce contemporaine : les bénéfices qu’elles réalisent se répandent dans le pays et servent à y entretenir l’agriculture, le commerce et les petites industries qu’on y rencontre. Si elles venaient à manquer, la Grèce ne tarderait point à être affamée, la caisse de l’état ne tirerait pas une drachme des habitans appauvris. Or un peuple méditerranéen, turc ou autre, pourra toujours, quand il le voudra, tarir ces sources de revenus jusqu’au jour où la Grèce sera devenue agricole et industrielle, et pourra vivre par elle-même. C’est ce qu’a failli prouver par les faits la mesure prise par le sultan à l’égard des Grecs avant la réunion de la conférence. Par là ils ont pu comprendre qu’il ne leur suffit pas d’être marins, banquiers, avocats, médecins, professeurs ou soldats, parce que tout cela n’assure pas le nécessaire de la vie, et peut manquer en un seul jour.


II

Le grand développement de l’instruction, joint aux instincts naturels du peuple grec et à une réaction énergique contre l’absolutisme des sultans, a eu pour conséquence une constitution politique plus libérale qu’aucune de celles de l’Europe : un roi qui règne, mais qui ne gouverne pas, et ne pourra jamais gouverner sans une révolution, une seule chambre qui fait les lois et qui tient les ministres sous son influence immédiate, voilà les deux et à peu près les uniques rouages de cette constitution. Cela ne veut pas dire que le roi n’exerce aucune action sur la direction des affaires : c’est lui