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de force qui ne sont pas utilisés. Elle a des réservoirs naturels qui peuvent alimenter des usines au-dessous d’eux : citons le seul lac de Phénéos en Arcadie, qui est à 760 mètres au-dessus de la mer, et dont les émissaires naturels entretiennent la rivière abondante du Ladon.

Ainsi la nature ne manque point à l’homme, et d’un autre côté la Grèce est peuplée d’hommes manifestement intelligens ; mais jusqu’à présent le Grec a dédaigné ou maltraité la nature qui s’offre à lui. Il a étendu le désert au lieu de le repeupler ; il a couru aux villes et aux écoles, où il a reçu une éducation qu’il croit à tout la plus libérale, parce qu’elle s’acquiert sans qu’il soit besoin du secours des mains. Il en est résulté une rupture d’équilibre dans les forces morales de la nation : les villes et tout le pays manquent d’ingénieurs, de contre-maîtres et d’ouvriers ; mais elles regorgent d’avocats sans causes, de médecins sans malades, d’officiers inutiles, de gens vaniteux et de politiques qui cherchent fortune dans le renversement des ministères, dans les troubles publics et les révolutions. Si l’agriculture et l’industrie étaient honorées et encouragées comme elles le méritent, ces oisifs intelligens et instruits trouveraient des occupations honnêtes et lucratives, par lesquelles ils contribueraient à la prospérité de leur patrie en s’enrichissant eux-mêmes.

Les moyens d’atteindre ces résultats n’ont point à être cherchés bien loin : la Grèce a trois protectrices dont deux au moins peuvent lui être d’un grand secours. De plus, en se soumettant tout récemment à un jugement sévère de l’Europe, elle a acquis le droit de dire à tous les peuples qui se sont faits ses juges : « Vous me condamnez à demeurer inactive sur un angle de terre où vos pères m’ont confinée, et qui dans l’état présent ne peut pas même me nourrir ; donnez-moi donc les moyens d’y vivre en paix et d’y jouir de la sécurité du lendemain. » Eh bien ! il y a deux moyens également praticables dans l’emploi desquels l’Europe ferait tout pour aider les Hellènes : qu’ils attirent chez eux les étrangers, et qu’ils envoient eux-mêmes leurs fils étudier chez nous l’agriculture, les industries et les métiers.

L’accueil fait en Grèce aux industries étrangères est moins qu’encourageant ; il importe à ce pays de changer de système, car jusqu’à ce jour les industriels venus du dehors n’ont guère éprouvé que des déboires, témoin la compagnie anglaise, toute nouvelle encore, du chemin de fer d’Athènes au Pirée : est-il un ennui qu’elle n’ait essuyé, un obstacle qu’on n’ait mis devant elle, une perte de temps et d’argent qu’elle n’ait eu à subir ? Elle a lutté et vaincu, son chemin est ouvert, elle fait des recettes merveilleuses ;