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met guère en jeu, avec le temps, que des actions purement matérielles. Aussi n’est-il pas étonnant que M. Hirn ne se montre pas favorable à ces idées nouvelles. Admettre la transformation des espèces, c’est du même coup admettre implicitement une transmutation, une métamorphose continuelle du principe animique. La doctrine de M. Hirn est encore plus contraire à la génération spontanée, car, si l’organisation n’est l’œuvre que d’un principe animique, on ne peut admettre que la vie sorte spontanément de la nature inerte, d’un assemblage quelconque de molécules sollicitées par n’importe quelles forces. Le germe pourtant, avant d’être fécondé, n’est qu’une collection d’atomes ; comment la vie va-t-elle y pénétrer ? Comment cette petite fraction de matière va-t-elle devenir le logement d’une âme ? M. Hirn, on le pense bien, n’explique point ce grand mystère ; il n’hésite même pas à invoquer le miracle. « La fécondation d’un germe ne peut, dit-il, être considérée que comme un appel fait à une unité animique, soit préexistante, soit relevant d’un acte immédiat du Créateur. » Quand une molécule de chlore rencontre une molécule d’hydrogène sulfuré, il naît une molécule d’acide chlorhydrique ; mais quand se rencontrent les particules d’un germe avec les particules qui le fécondent, un élément nouveau, mystérieux, apparaît ; le principe animique se fixe sur ce petit agrégat matériel et lui fait don de la vie. Les âmes sont comme des puissances en disponibilité qui cherchent toujours un corps, ce sont de véritables germes transcendans, doués déjà de caractères spécifiques, qui se trouvent toujours à point nommé où on les appelle, quand on les appelle. Elles sont les hôtes temporaires des prisons matérielles qu’elles construisent ; attachées à une substance divisible, variable, éphémère, elles restent unes, indivisibles, immortelles.

Nous avons fini d’exposer cette étrange métaphysique qui commence par la science et finit par la cosmogonie ; elle crée dans l’univers une sorte de trinité nouvelle. Le nom de matière n’est laissé qu’aux atomes pondérables, indivisibles, finis, aux corps simples de la chimie : ces atomes, inertes eux-mêmes, sont le jouet perpétuel des principes dynamiques qui sont répandus dans l’espace infini. Chaleur, magnétisme, électricité, affinité, gravité, sont les manifestations d’une énergie incréée et indestructible, la force, qui donne aux corps le mouvement et par conséquent toutes les qualités qui ne sont que des formes particulières du mouvement. Enfin, outre le principe dynamique, il y a un principe animique qui, s’isolant dans les germes et les êtres, donne naissance à tous les phénomènes physiologiques et psychiques. Les forces servent d’intermédiaire entre les corps et les âmes ; elles sont le trait d’union perpétuel entre les atomes et la pensée ; elles nous révèlent