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cesse en lutte contre les puissances matérielles, elle protège, elle achève, elle orne sa demeure ; mais, puisque cet architecte a pour ouvriers les forces, M. Hirn nous dira-t-il en quoi diffèrent ces ouvriers et cet architecte ? La force est un principe transcendant, l’âme de même. Ces deux principes n’ont-ils rien de commun ? qu’est-ce qui les distingue et les sépare ? Il va nous l’apprendre. « L’attribut essentiel et typique de l’élément dynamique, c’est d’être répandu partout dans l’espace infini. L’élément vital au contraire est bien évidemment confiné dans l’instrument à l’aide duquel il exécute son évolution en ce monde. » Le principe animique se distingue donc de la force en ce qu’il est localisé dans les êtres ; il n’y occupe pas, bien entendu, une place définie, un espace borné, un lieu. Chez l’homme, l’âme n’est pas plus dans le cerveau que dans la main ou dans le pied ; on ne peut dire d’aucun organe qu’il en soit le siège. Une lésion qui produit la mort ne la détermine que parce que, directement ou indirectement, elle interrompt une fonction essentielle. L’âme est localisée dans les êtres vivans, et pourtant elle est indépendante de l’espace ; elle n’est pas étendue, bien qu’elle soit liée à une chose étendue. Il n’est point facile assurément de comprendre ce mariage ; mais M. Hirn réprouve les écarts de l’imagination quand elle cherche à en obtenir une sorte de figure et de représentation. La partie pensante de l’être n’a point une forme définie ; toutefois elle est localisée, et en cela elle diffère de la force.

Ne pourrons-nous lui assigner un autre caractère qui lui appartienne en propre ? L’élément animique a la notion du temps, c’est-à-dire de la succession des phénomènes. Cette œuvre de coordination qui se nomme la mémoire, et qui est indispensable à tout raisonnement, s’opère, il est vrai, primitivement sur des sensations ; mais les sensations resteraient sans lien dans la pensée, si le moi pensant ne les soudait en quelque sorte, s’il n’avait pas l’idée du temps. Il le mesure dans les phénomènes physiques et en sent le flux constant et régulier dans le corps même, qui lui apporte les sensations ; il en est en même temps indépendant par essence, et il joue librement dans le passé et dans l’avenir. « Que la notion du temps, dit M. Hirn, soit innée ou un résultat de l’expérience, elle constitue un phénomène purement psychique ; elle appartient en propre à l’élément animique, et ne relève point de la structure organique… La seule notion du temps est une pleine réfutation de toutes les théories matérialistes, car elle ne peut appartenir ni à la matière, ni à la force, ni à aucune des manifestations de ces élémens réunis. » Nous avons vu aussi que M. Hirn identifie l’âme et la vie, et subordonne tous les phénomènes de l’organisation à une puissance directrice et de nature supérieure. Partout donc où il y a un