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Le vitalisme, il faut l’avouer, n’est pas aujourd’hui en grande faveur parmi les savans ; il n’en est plus guère qui croient que la vie soit une essence, une entité particulière aux organismes. Tous les progrès de la physiologie sont dus à ceux qui cherchent patiemment dans tous les phénomènes l’action de forces définies, chimiques, électriques, mécaniques. Quand on n’incline pas à rattacher la vie, en tant que principe agissant, créateur, aux corps mêmes par des liens matériels, on se trouve forcément poussé vers l’animisme, et l’on arrive à la considérer comme une sorte de gouvernement inférieur de l’esprit. C’est à cette dernière tendance que M. Hirn a cédé ; pour lui, la vie et l’âme ne sont qu’une seule et même chose, l’envers et l’endroit d’une même étoffe mystérieuse. C’est la science qui le pousse jusqu’à l’animisme pur de Stahl. L’âme, à l’en croire, bâtit les organes, règle toutes les fonctions animales, répare sans cesse son œuvre d’un jour. Seulement elle n’a point de prise directe sur les atomes, elle est comme un souverain dont les ordres sont exécutés par un ministre ; ce ministre, c’est la force, c’est le principe intermédiaire, et de là même lui vient ce nom que nous lui avons donné jusqu’ici sans explication. L’âme ne connaît la matière, le monde externe que par cet intermédiaire. La volonté veut-elle remuer un muscle, il faut qu’elle provoque un changement dans l’état électrique des nerfs qui vont à ce muscle. L’âme n’exécute aucun travail mécanique ; elle commande seulement à l’énergie des forces, la diminue ou l’augmente, et ces variations ne peuvent se produire sans que les corps les ressentent. Quand nous voulons, la dépense de force ne se fait que dans l’instrument matériel de cette volonté. La force s’use ; mais dans ce système la volonté ne s’userait pas. On peut faire à cette doctrine les objections cent fois répétées contre celle de Stahl, demander comment une âme si savante de fait, capable de construire et d’embellir cette œuvre d’art qui s’appelle un être vivant, n’a en aucune façon conscience des procédés qu’elle emploie ; comment elle ignore jusqu’à la nature et au nombre de ces serviteurs si dociles qui lui livrent tous les trésors du monde matériel, comment elle peut diriger le travail de la vie, puisqu’elle ne découvre qu’avec les plus grands efforts les premiers linéamens du plan sublime qui éclate dans la création. A tout cela, l’on n’a rien à répondre, sinon que la conscience, que le savoir, ne sont pas nécessaires à la volonté ; on nous affirme qu’il peut se faire dans l’esprit une « digestion intellectuelle » dont nous restons aussi inconsciens que nous le sommes chaque jour du travail latent de la digestion stomacale ; on assure que nous pouvons penser sans savoir que nous pensons, vouloir sans savoir que nous voulons.

Consciente ou non, la vie possède une puissance directrice. Sans