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de feu, les 10,000 hommes se débandèrent, refusant de se battre contre des gens qui défendaient la cause du peuple. Il n’y eut pas de combat, il n’y eut pas de défaite ; ce fut une désertion générale. Le fils de Milosch était parti de Belgrade le 19 août 1842, confiant dans sa cause et assuré de vaincre ; huit jours après, il avait dû se réfugier en Autriche.

C’est une noble et douloureuse figure que celle du prince Michel Obrenovitch III. Jeté par une révolution sur un trône environné d’embûches, condamné à une tâche à laquelle rien ne le prépare, tout jeune, sans expérience, sans instruction, hésitant et timide plutôt par loyauté de conscience que par faiblesse de caractère, il va rejoindre son père en exil avant d’avoir atteint sa vingtième année ; puis, lorsqu’il a terminé son éducation, lorsque l’enfant est devenu homme, lorsqu’il a parcouru toutes les capitales de l’Europe, étudiant la politique et les lois, lorsqu’il s’est préparé à mieux servir son pays le jour où les circonstances l’y ramèneront, il est rappelé en effet par une révolution nouvelle ; il revient en Serbie en même temps que Milosch, lui succède et suit une voie toute différente ; il reforme les institutions barbares, il développe les ressources du pays, il résout des questions pendantes depuis un demi-siècle, il met la dernière main à l’affranchissement de la Serbie, il oblige les Turcs, à quitter les forteresses, et, au moment où il jouit du succès de son œuvre, il tombe frappé à mort par de lâches assassins. A l’heure où finit si tristement le premier règne du prince Michel, nous n’avons pu résister au désir d’anticiper sur les dates et de marquer en quelques traits le caractère bienfaisant de son second règne. Assurément, du mois de juillet 1839 au mois d’août 18ùg, le prince Michel n’a déployé aucune des qualités dont il a fait preuve dans la suite ; il en a du moins fourni les indices dans l’épreuve prématurée que le sort lui imposait. On lui a reproché son indécision ; c’était précisément chez un homme de cet âge la preuve d’une droiture naturelle et d’une parfaite honnêteté. Son ignorance l’avait perdu ; c’est par l’étude et la méditation qu’il est devenu, vingt ans plus tard, un des libérateurs du peuple serbe.


II

Dès que le prince Michel eut quitté la Serbie, Voutchitch, prenant le titre de chef militaire de la nation, entra dans Belgrade et organisa un gouvernement provisoire. Il s’était adjoint ses deux amis, les adversaires les plus acharnés de Milosch et de sa famille, Abraham Petronievitch et Stoïan Simitch. Ce titre de chef militaire du peuple serbe annonçait-il l’intention de préparer les voies à une troisième dynastie ? C’était sous ce nom que Kara-George, au