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christianisme nous appelez-vous ? Rester en suspens entre l’un et l’autre, c’est être sceptique et non chrétien.

Il est difficile d’admettre que M. Guizot, malgré sa sympathie évidente pour l’église romaine, soit le moins du monde disposé à reconnaître la vérité du dogme catholique. Il ne défend le catholicisme qu’au point de vue chrétien. C’est donc, quoiqu’il ne le dise pas expressément, le christianisme réformé qui pour lui est la vérité. Dès lors pourquoi ne pas résoudre les difficultés qui s’élèvent contre la doctrine réformée ? Pourquoi ne pas répondre aux objections catholiques ? On défend le dogme orthodoxe contre le rationalisme protestant ; mais voilà bien longtemps que les catholiques ont signalé cette conséquence extrême du principe de la libre croyance du libre examen. La philosophie, à laquelle on reproche les incertitudes de la science, peut demander, au nom de Bossuet et de Rome, si l’église de Luther et de Calvin offre plus de sécurité, de fixité, de doctrine. Si nous n’avons pas d’autorité, vous n’en avez pas davantage, et vous tombez dans une contradiction qui au moins nous fait défaut : c’est qu’il y a un livre sacré et divin auquel vous devez vous soumettre, et ce livre, c’est vous qui le jugez. Vous appelez Dieu à votre propre tribunal ; vous jugez en dernier ressort de la parole sainte !

On accuse, dans le camp des libres penseurs, M. Guizot d’intolérance dogmatique et d’étroite orthodoxie. On serait plutôt frappé, en lisant son livre, du caractère rationaliste de sa philosophie chrétienne. Il est évident que le protestantisme le plus orthodoxe se dégage de plus en plus des liens dogmatiques. Quelle différence subsiste-t-il aujourd’hui, autre qu’une différence administrative, entre l’église de Luther et celle de Calvin ? On sait cependant à quel point ces deux églises ont été ennemies. L’accord où elles sont arrivées, au moins en France, ne peut s’expliquer que par un esprit de transaction dogmatique, qui a été la conquête du bon sens sur la théologie. M. Guizot accepte pour son propre compte la célèbre doctrine des dogmes fondamentaux, si souvent et si justement critiquée par l’église catholique. Qui dira en effet ce que c’est qu’un dogme fondamental ? Qui est-ce qui distinguera ce qui est fondamental et ce qui ne l’est pas ? Là où toute autorité fait défaut, toute déclaration d’articles de foi est arbitraire. M. Guizot, par exemple, admet cinq dogmes fondamentaux dans le christianisme : la création, la providence, le péché originel, l’incarnation, la rédemption. Il suffit de jeter un coup d’œil sur cette table pour voir combien elle est artificielle, arbitraire, insuffisante, à un point de vue rigoureusement chrétien.

On peut être étonné d’abord de voir la providence donnée comme