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c’est le même esprit humain, usant de part et d’autre des mêmes procédés, qui se résout à lui-même ces problèmes, soit par la religion, soit par la philosophie. Par exemple, les philosophes spiritualistes admettent certains principes nécessaires ou vérités premières, et sur ces principes ils fondent la démonstration de l’existence de Dieu. M. Guizot admet les mêmes principes, les mêmes vérités, et il s’en sert pour prouver la révélation. Or, si la preuve de l’existence de Dieu par ces principes n’a nulle valeur démonstrative, comment se pourrait-il que la preuve de la révélation par les mêmes principes en eût une ? Réciproquement, si l’on est autorisé à se servir de ces principes pour prouver la révélation, comment ne serait-on pas autorisé à s’en servir pour prouver Dieu ? En deux mots, comment pourrait-on nous obliger à accepter le plus, c’est-à-dire la révélation, sous prétexte que nous serions impuissans à démontrer le moins, c’est-à-dire l’existence de Dieu ?

Ce qui donne à supposer que la foi résout des questions que la philosophie ne résout pas, c’est que la foi, quand elle est acceptée, a un caractère de confiance absolue qu’une opinion philosophique, quelle qu’elle soit, ne comporte pas. D’un côté c’est Dieu qui parle, et de l’autre c’est l’homme ; mais on ne voit pas que la question est précisément de savoir si c’est Dieu qui parle, et, toute grâce surnaturelle mise à part, la croyance que c’est Dieu qui parle est fondée sur des raisons, c’est-à-dire sur des opinions, qui ont exactement le même caractère de certitude relative que les opinions philosophiques. Ces raisons après tout ne sont que des raisons humaines, tirées de la nature de notre intelligence et fondées sur des raisonnemens tout humains. Les miracles, dira-t-on, sont divins : soit ; mais les raisons de croire aux miracles sont des raisons humaines, du même ordre que celles que l’on donne pour n’y pas croire. Celui qui croit aux miracles, aux prophéties, à l’authenticité des Écritures, ne croit donc en définitive qu’à sa propre raison, et cette raison, en tant qu’elle se prononce pour, n’a pas plus d’autorité qu’en tant qu’elle se prononce contre. Vous n’avez donc pas le droit d’invoquer contre la philosophie sa prétendue impuissance ; l’apologétique chrétienne n’a sous ce rapport aucune prérogative, aucun avantage sur la philosophie, et n’est elle-même qu’une certaine sorte de philosophie.

Enfin n’oublions pas que cette confiance absolue que donne la foi, elle la donne dans toutes les religions du monde : on sait bien que le mahométan, le brahmaniste, le bouddhiste, l’israélite, sont aussi tranquilles dans leur foi, aussi assurés qu’elle résout tous les problèmes que le peut être le chrétien. Cette confiance absolue peut donc se rencontrer avec l’erreur, et n’est point par