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abondant du pays, était devenue matière à spéculation. On l’expédiait depuis quelques années aux habitans de San-Francisco. L’île de Kodiak était en possession d’approvisionner de cette denrée singulière les Californiens, pour qui la glace est devenue l’une des nécessités de la vie.

On ne s’attend pas sans doute à ce que l’agriculture obtienne de brillantes récoltes sous une latitude si élevée. Des pommes de terre, quelques légumes, un peu d’orge, voilà tout ce que la terre est susceptible de rendre. Ce n’est pas qu’il fasse trop froid ; mais le soleil séjourne si peu de temps au-dessus de l’horizon que les plantes ne peuvent, durant le trop court été de ce climat, absorber assez de chaleur pour mûrir. Cependant l’extrême humidité de l’air est favorable au développement de la végétation. Aussi les forêts sont-elles très belles. Le pin et le cèdre recouvrent les montagnes et descendent jusqu’au niveau de la mer. Les innombrables découpures de la côte offrent aux navires des abris où le chargement peut être effectué sans danger. À ce point de vue, le nouveau territoire est une acquisition d’une valeur sérieuse pour les États-Unis, car la Californie est dépourvue de bois de charpente, et les provinces voisines de l’Orégon et de Washington, quoique mieux boisées, sont d’un accès difficile par mer, faute de ports naturels.

Il paraît y avoir dans l’Amérique russe une source de profits bien autrement avantageuse que la pêche, le commerce des fourrures ou l’exploitation des forêts : c’est l’extraction des substances minérales. Le détroit de Behring, où les deux continens d’Asie et d’Amérique s’approchent de très près, paraît être le nœud d’un grand soulèvement géologique ; c’est là qu’aboutissent d’un côté la longue cordillère qui traverse du sud au nord toute l’Amérique, de l’autre côté une chaîne non moins importante ni moins étendue, quoiqu’on partie sous-marine, qui borde l’Australie et se montre au-dessus des eaux dans l’archipel du Japon, aux îles Kouriles et au Kamtschatka. Rien d’étonnant que les nouvelles possessions des États-Unis ne soient aussi riches en minerais que les contrées que nous venons de nommer. On y trouvera des terrains aurifères, de même qu’en Californie et dans la Colombie britannique. On sait qu’il y a du cuivre et du fer, car on en a vu des échantillons entre les mains des natifs ; mais, découverte bien autrement précieuse en l’état actuel de l’industrie humaine, on espère qu’il y a de la houille en abondance. Le charbon de terre est aujourd’hui ce qui manque le plus au bassin du Pacifique. Le combustible que brûlent les bateaux à vapeur, tant en Chine que sur les côtes de Californie, est apporté de l’autre hémisphère par la voie du cap Horn ou du cap de Bonne-Espérance. On n’a que des soupçons