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mon approbation. Désormais vous serez responsable, si vous me présentez soit une bourse à donner, soit un conscrit à exempter dans un séminaire où les principes de l’église gallicane ne soient pas soigneusement enseignés. Prenez des mesures pour en être bien informé, et commencez par vous assurer de ce qui se passe auprès de vous dans le diocèse de Paris[1]… »


Il semble que, si une institution devait trouver grâce devant la mauvaise humeur de l’empereur, c’était celle des humbles sœurs de la charité qui soignaient dans les hôpitaux ses soldats blessés ou malades. Il ne lui fut point toutefois donné d’échapper à son terrible courroux. Déjà, au mois de novembre 1809, l’empereur avait défendu à l’abbé Hanon, vicaire-général de la communauté des lazaristes et directeur des sœurs de charité, d’exercer les fonctions de ses deux charges, parce qu’il n’avait pas voulu mettre Mme Laetitia, mère de l’empereur, à la tête du conseil de l’ordre, et qu’il avait osé nommer pour supérieure-générale de ces saintes filles une dame qui avait été dénoncée au gouvernement impérial comme ne professant pas de très bonnes opinions. L’abbé Hanon avait en outre eu le tort de continuer à se mêler, malgré cette défense, de la direction de cet ordre de bienfaisance. Là-dessus, il avait été nuitamment enlevé de son domicile, mis d’abord en surveillance à Saint-Pol, puis enfermé dans la prison d’état de Fenestrelle, d’où il fut plus tard transportée Bourges, quand les armées étrangères s’approchèrent des frontières de la France. En dépit de cet effrayant exemple, les sœurs de la charité n’avaient point voulu pour la plupart reconnaître la nouvelle supérieure-générale désignée par l’empereur, se fondant sur les cahiers laissés par leur fondateur saint Vincent de Paul, et d’où il résultait, à ce qu’il paraît, que leur ordre devait plutôt se dissoudre que d’accepter une supérieure nommée par le pouvoir civil. Napoléon était entré à ce sujet dans la plus épouvantable colère[2]. « Il est temps, écrit-il le 3 mars 1812 à son ministre des cultes, il est temps de finir ce scandale des sœurs de la charité en révolte contre leurs supérieurs. Mon intention est de supprimer les maisons qui, vingt-quatre heures après l’avertissement que vous leur donnerez, ne seraient pas rentrées dans la subordination. Vous remplacerez les maisons supprimées non par des sœurs du même ordre, mais par celles d’un autre ordre de charité. Les sœurs de la charité de Paris y perdront de leur influence, et ce sera un bien[3]… »

  1. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, 22 octobre 1811. — Cette lettre n’est pas insérée dans la Correspondance de Napoléon Ier.
  2. La France pontificale, par M. Fisquet. — Diocèse de Paris, t. II, p. 785 et 786. — M. Jauffret, t. II, p. 313. — Saint Vincent de Paul, par l’abbé Maynard, t. IV, p. 295. — Oeuvres complètes du cardinal Pacca, t. II, p. 220.
  3. Lettre de l’empereur au comte Bigot de Préameneu, Paris, 3 mars 1812.