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aucune garantie qu’il ne continuerait pas de faire de son ministère un aussi mauvais usage. A quoi servirait d’ajouter scandale à scandale, et comment l’empereur serait-il assez peu sensé pour laisser libre la communication avec celui qui persiste ainsi à défendre de rendre à césar ce qui appartient à césar… Le pape a, il est vrai, écrit deux lettres à l’empereur, et l’on peut en induire qu’il a renoncé à une excommunication démentie, quant au fond et à la forme, par l’opinion générale du clergé lui-même ; mais en même temps il récuse tous les évêques de l’empire et du royaume d’Italie : les seuls conseils qu’il veuille sont les cardinaux noirs, qu’il n’aura jamais. Si le pape croit ne pouvoir se décider sans eux, c’est sa faute. S’il perd en conséquence pour jamais le droit d’instituer les évêques, c’est encore sa faute. La religion marchera sans son secours, et l’on s’aperçoit chaque jour davantage que son intervention n’est pas nécessaire, puisqu’au défaut des évêques les vicaires capitulâmes gouvernent les églises. On espère des troubles. On a mal calculé. L’esprit public est désormais trop éclairé. C’est cette coupable espérance, déçue par les hommes, désavouée par la religion et par son divin auteur, dont le pape sera comptable un jour… Sa majesté plaint l’ignorance du pape, et elle a pitié de voir un pontife qui pouvait remplir un aussi grand et un aussi beau rôle devenu la calamité de l’église. Il aurait pu conserver tous les avantages dont la papauté avait la possession ; mais il a préféré rompre par suite de ses préjugés, et malgré ce qui lui était prescrit par la doctrine de l’église. Dans les trois jours après la réception, de la présente lettre, ayez une acceptation pure et simple qui embrasse tous les évêchés, hors celui de Rome, ou, à défaut de cette acceptation, quittez Savone… De la simplicité, de l’abandon, une véritable espérance dans la loyauté de sa majesté, sont les seuls partis qui restent à prendre au pape. Sa majesté connaît toutes ces matières mieux que le saint-père, et trop bien pour qu’elle puisse jamais s’écarter de la route qu’elle s’est tracée… Dans la fausse situation où sa majesté voit le pape, elle préfère autant qu’il n’adopte pas le décret, afin que, s’il refuse, il demeure couvert de la honte de son ignorance. Et s’il ne se croit pas suffisamment autorisé, suffisamment éclairé par le Saint-Esprit et par les cent évêques, pourquoi ne se démet-il pas, en se reconnaissant incapable de distinguer ce qui est du dogme et de l’essence de la religion, de ce qui n’est que temporel et variable ? Cette distinction, qui est si simple qu’elle serait entendue par le premier séminariste, si le pape ne la comprend pas, pourquoi ne descend-il pas de sa propre volonté de la chaire pontificale pour la laisser occuper par un homme plus fort de tête et de principes, qui réparera enfin tous les maux que le pape a faits en Allemagne et dans tous les pays de la chrétienté[1] ? »

  1. Lettre à MM. les députés, dictée par sa majesté l’empereur à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 9 février 1812. Cette lettre ne se trouve pas dans la correspondance de Napoléon Ier.