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conseil, les évêques, et l’opinion de tous les fidèles, que je devais lui dire qu’on parlait mal de sa résistance, que les cardinaux disaient hautement que la conscience n’était intéressée en rien dans ce qu’on lui demandait, qu’il pouvait et qu’il devait conséquemment faire ces concessions. Si par hasard le respect les empêchait de le lui dire avec force, comme ils le faisaient à nous tous, il était de mon devoir de l’en avertir. Je lui ai annoncé que son refus éteignait dans une proportion marquée l’intérêt que les siens prenaient à lui, et rendait sa cause odieuse. »


Ces surprenantes paroles adressées au malheureux pontife par le fonctionnaire impérial chargé de maintenir sa rigoureuse captivité ne semblent avoir provoqué chez Pie VII aucun mouvement d’impatience. En tout cas, il s’en montra parfaitement maître.


« Plusieurs fois, dit M. de Chabrol, le pape est resté très pensif et. dans l’attitude d’un homme qui voudrait se rendre ; mais enfin son dernier mot a été que sa conscience répugnait trop à ce qu’on exigeait de lui pour qu’il y accédât… Je l’ai quitté en lui disant qu’il ne devait s’en prendre qu’à lui de ce qui arriverait. D’après cette longue conférence, je vois clairement que, s’il y a eu chez le pape de bonnes intentions, elles se trouvent tellement amalgamées avec les indécisions, les scrupules et même les passions, qu’il faut renoncer à les vaincre par des raisonnemens et des insinuations. Je demeure convaincu que le moment du départ de la députation peut seul amener un résultat. Le temps s’userait contre la résolution présente, qui ne peut être détruite que par une secousse[1]. »


Cette secousse morale, dont M. de Chabrol attendait la réussite des projets de l’empereur, ne tarda point à produire sur la santé de Pie VII les effets qu’en raison des événemens antérieurs il était trop facile de prévoir. « Le pape a été fort agité ces jours derniers, reprend le préfet de Montenotte à la date du 19 janvier ; il ne dort pas. Il est tourmenté et se plaint de sa santé. C’est à l’état d’indécision où il se trouve qu’il faut attribuer ce dérangement. Il en revient maintenant à un projet de lettre à l’empereur, dans lequel il promettrait, dit-on, spécialement de reconnaître l’extension du bref à tous les évêchés et de modifier ce même bref ; mais cette promesse ne se réaliserait que lorsqu’il aurait une libre communication avec les fidèles. On ne peut plus faire fond sur aucune résolution au. pape, tant qu’elle n’est pas fixée par une signature… Il tient peut-être même à ces fluctuations par la considération qu’elles lui font gagner du temps, et il trouve ainsi plaisir à s’y livrer. Il serait à désirer qu’on prît des mesures pour profiter du moment où ses dispositions deviendraient favorables. Ce serait le seul moyen de le

  1. Lettre de M. Chabrol au ministre des cultes, 16 janvier 1812.