étaient venus jouer à Savone ; son parti était pris de ne plus écouter leurs conseils. M. Bertalozzi, quoique jugé moins sévèrement par le saint-père, avait du même coup perdu, lui aussi, tout son crédit. Pie VII était décidé à n’agir que d’après ses propres lumières. Cet effort lui coûtait d’autant plus que par inclination naturelle il éprouvait le besoin de se sentir soutenu et comme réconforté dans d’aussi cruelles épreuves par quelque appui sympathique et tendre ; mais sa conscience avait parlé. Si dur que fût le combat à livrer, et quoiqu’il fût seul à le soutenir, Dieu aidant, il ne faiblirait pas.
« L’impression qu’ont pu laisser dans l’esprit du pape, écrit M. de Chabrol, les raisonnemens pressans qui lui ont été faits depuis deux jours ne paraît pas avoir été assez forte pour le ramener et vaincre son obstination. Nous avons su par son médecin, que nous avons pressé d’agir de son côté pour achever de l’ébranler, qu’il est singulièrement tourmenté par les propositions qui lui sont faites. Il lui a dit que ce qui lui était demandé l’absorbait tout entier, et que la pensée seule en faisait blanchir ses cheveux… Leurs éminences les cardinaux ne sont pas traitées avec plus de confiance que les jours passés, et le pape a encore répété qu’il n’a pas de théologiens dans son conseil. Le collège (M. de Chabrol entend probablement les cardinaux membres du sacré-collège) cherche toutefois à lui faire sentir la nécessité d’un accord solide avec sa majesté, et suit entièrement le plan proposé par M. de Bayanne ; mais l’attention du saint-père est entièrement portée sur le bref, et ne lui laisse pas la faculté d’y réfléchir et de s’y déterminer. Tel est en ce moment l’état des choses à Savone.., Quant aux habitans de cette ville, ils ne s’occupent en aucune manière de ce qui est relatif au pape[1]. »
Cet état d’indifférence des habitans de Savone, dont il s’arrangeait si bien, n’était pas, à beaucoup près, celui du préfet de Montenotte. Pour son compte, il redoublait d’activité. « On a cherché à réunir tous les efforts, écrivait-il le 3 janvier 1812, pour ébranler et vaincre enfin l’obstination du pape ; mais jusqu’ici rien ne peut faire concevoir des espérances fondées. Les personnes de sa maison ont agi auprès de lui. Il les a d’abord écoutées avec attention ; mais à la fin de la conversation il a dit qu’il ne pouvait consentir à céder la)nomination des évêchés romains, que c’était là une innovation au-dessus de ses forces. Il a cependant ajouté que, si on entrait dans une négociation réglée et si l’on traitait avec d’autres formes, en lui rendant sa liberté, ce serait une chose différente[2]. » Trois jours après qu’il avait adressé cette lettre au ministre des cultes,