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que le pape a annoncé un refus formel de rien changer à ce qu’il avait fait, et que les termes de ce refus montraient une résolution très forte, au point qu’elle est fondée sur ce que le saint-père appelle « une inspiration dans ses prières. » Après avoir été indécis dans les premiers momens, le voilà retombé dans la détermination qu’il avait d’abord montrée à la députation. On se rappelle l’inflexibilité qu’il fit paraître à Rome dans quelques occasions contre l’avis unanime de son conseil. On retrouve dans la manière dont il s’est exprimé les mêmes erremens, et on conserve d’autant moins d’espérance que toute sa conduite annonce de la méfiance envers ceux qui pourraient l’éclairer[1]. »


Le saint-père était en effet prodigieusement surpris, nous croyons pouvoir dire choqué de la conduite tenue en cette circonstance par les cardinaux qui lui avaient été envoyés de Paris afin de lui servir de conseil. Il s’expliquait, probablement sans l’approuver beaucoup, l’attitude des évêques qui, en qualité de négociateurs accrédités par le chef de l’empire français, tâchaient de faire valoir auprès de lui les thèses tant soit peu contradictoires que celui dont ils tenaient leurs pouvoirs les obligeait à soutenir. Il n’en voulait en aucune façon à M. de Chabrol, qui n’était ni prêtre ni théologien, d’appuyer de ses plus vives instances, par des argumens qui n’étaient rien moins qu’orthodoxes, et parfois même pouvaient paraître un peu rudes à entendre, les exigences de son maître. Ces messieurs lui semblaient dans leur rôle. Des membres du sacré-collège, des princes de l’église romaine, liés par les mêmes sermens que leur chef, qui ? s’étaient offerts pour lui servir de conseil, qui avaient en arrivant à Savone protesté de la droiture de leurs intentions et de l’impartialité de leur jugement, lui paraissaient moins excusables quand il les voyait changer ainsi subitement d’avis au moindre mot d’ordre qui leur survenait de Paris. Il ne leur pardonnait pas de ne vouloir plus, dès que l’empereur leur en avait fait signe de loin, reconnaître la moindre valeur aux concessions si coûteuses pour sa conscience qu’il avait délibérées et consenties de concert avec eux, et pour l’obtention desquelles ils lui avaient offert de si chaleureuses actions de grâces. Comment pouvaient-ils prendre sur eux de lui donner maintenant à entendre que tout cela ne suffisait plus ? De quel front osaient-ils, eux, les défenseurs naturels du saint-siège, lui demander d’aller plus loin encore, et de faire litière de ses privilèges les plus indispensables ? Une semblable palinodie avait mis à découvert aux yeux de Pie VII le rôle, d’ailleurs assez mal déguisé, que ces trop complaisans serviteurs de Napoléon

  1. Lettre de M. le comte de Chabrol à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 15 décembre 1811.