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plus que les inquiétudes de sa conscience… Je les ai combattues, poursuit M. de Chabrol, par l’opinion unanime de son conseil, par l’état présent de l’église. Je lui ai exposé que l’opinion générale réclamait tous les sacrifices de sa part, et que tous les chrétiens l’attendaient de lui… Je lui ai dit que sa conscience pouvait être tranquille, que le témoignage universel (vox populi, vox Dei) devait rétablir le calme dans son esprit. Ce témoignage était employé avec autorité pour prouver les vérités les plus essentielles du christianisme et toutes les vérités morales. A coup sûr, je n’étais pas théologien ; mais je pensais que la théologie avait aussi pour première base un raisonnement juste et un sens droit… Ces considérations, qui étaient peut-être plus adaptées aux circonstances que puissantes en elles-mêmes, ont, à ce que je crois, produit quelque effet. Le pape m’a dit qu’il souhaitait en finir, et que tout aurait été terminé plus tôt, si on lui eût donné son conseil. Le changement de souveraineté appartenait à la Providence, et il fallait bien en reconnaître les conséquences ; mais il avait trop peu de conseillers avec lui. Là-dessus il m’a dépeint les personnes, accordant de la capacité politique au cardinal Ruffo, de la pratique au cardinal Roverella, refusant étude et intelligence de la matière aux deux autres, et ne parlant pas de M. de Bayanne, parce qu’il ne trouvait pas d’objections contre lui… Il a ajouté qu’il donnerait une réponse aux évêques, et qu’il espérait qu’elle satisferait sa majesté. Il s’attendait d’ailleurs de sa part à quelque bienveillance. S’il ne s’agissait que de sa personne, volontiers il passerait sa vie dans une cellule, se trouvant trop bien où il était dans la situation présente. Je l’ai prié de considérer que, dans le poste où Dieu l’avait placé, il avait d’autres intérêts à régler que les siens propres. En somme, je l’ai laissé assez bien disposé pour qu’on puisse espérer de lui la détermination de ne pas faire de résistance…[1]. »

En cela, M. de Chabrol se trompait un peu. Les dispositions du saint-père étaient, il est vrai, on ne peut plus conciliantes ; mais sa conscience était alarmée. M. de Barral se rendait un plus juste compte de la disposition d’esprit de Pie VII et des moyens les plus propres à lever ses scrupules lorsqu’il écrivait, le 31 octobre, à M. Bigot de Préameneu : « Il paraît bien que les dix ou douze évêchés des deux départemens de Rome et du Trasimène sont la seule difficulté qui reste à vaincre. Elle serait probablement vaincue déjà, si l’on eût envoyé à Savone, en même temps que les cardinaux et nous, ainsi que nous l’avons demandé, le père Menocchio, le confesseur du pape, que l’on dit être à Rome, Il ne paraît point que ce soit un homme très lumineux ; mais on assure qu’il est bien

  1. Lettre de M. de Chabrol au ministre des cultes, 30 octobre 1811.