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plus avant dans la roche. Le conducteur de la machine à vapeur retire la corde et les outils chaque fois que le trou de sonde a été approfondi de quelques pieds. Il faut rendre ce trou aussi rond que possible, afin qu’un tube de fer, destiné à prévenir les éboulemens et à guider l’huile dans son ascension au jour, puisse s’adapter plus tard exactement aux parois rocheuses. A cet effet, le mécanicien enroule la corde sur un treuil, et il remplacé le drill par le reamer ou alésoir. Bien qu’elles soient conduites avec une singulière énergie, toutes ces opérations exigent beaucoup de temps et de persévérance. Le plus souvent on a par-dessus le marché à lutter contre les eaux, on doit s’arrêter pour les épuiser et en prévenir le retour. Cette dernière difficulté est surmontée par un artifice basé sur la propriété que possède la graine de lin de se dilater considérablement dans l’eau : le seed bag, sac à graine, long fourreau de cuir bourré de graines de lin, est interposé entre la paroi rocheuse du trou de sonde et le tuyau d’ascension précisément à l’endroit où se trouve la fissure qui livre passage à la malencontreuse veine d’eau ; on réalise ainsi la fermeture la plus hermétique possible. Par le même procédé, l’on sépare maintenant l’huile d’avec les gaz inflammables, qui occasionnaient jadis de si terribles incendies. L’invention du seed bag est tout à fait américaine, elle fut un véritable expédient imaginé par les pionniers lors de l’irruption des premières nappes jaillissantes, afin de contenir le liquide dans le puits et d’en régler le débit à volonté. Un autre outil fort important est la pompe à sable, sand pump, appelée curette par les sondeurs français : elle sert à vider le trou de sonde, à en retirer la boue que forment les débris de la roche broyée par le drill. C’est un tube de fer mince, portant à la partie inférieure un clapet qui s’ouvre pour laisser les détritus se loger dans le tube, puis se referme pour les y emprisonner. On amène doucement la curette au fond du trou de sonde, et il suffit alors de lui imprimer un mouvement de va-et-vient pour qu’elle se remplisse de débris ; dès que par cette opération l’on a mis à nu la roche vive, on l’attaque de nouveau à coups de trépan. Tandis que le reamer accomplit son travail d’alésage, on voit le mécanicien, transformé en forgeron, aciérer et tremper le tranchant émoussé du drill. La lueur de ce feu de forge ne nuit pas au pittoresque de ces ateliers en pleine forêt. A quelques pas du derrick se dresse le tank, réservoir qui reçoit l’huile au moment où elle sort de la terre ; ce tank rappelle tout à fait une de nos cuves à fouler le raisin. Un peu plus loin enfin, l’on voit le shanty, cabane grossière faite de troncs d’arbres équarris à la hâte.

Au cap Smyth, il y avait deux shanties, celui du directeur et celui