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d’en ouvrir de nouveaux et de percer des galeries qui augmentèrent le rendement d’huile en multipliant les surfaces de suintement. Pendant l’année 1856, on put de la sorte raffiner à Pittsburg environ 5 ou 6 barils d’huile par jour. Ce n’étaient point là cependant des conditions industrielles, et il fallait de deux choses l’une, ou abandonner l’entreprise ou produire beaucoup plus encore. Les pionniers songèrent alors à forer des puits artésiens, et firent venir à grands frais des sondeurs et des outils de la Virginie occidentale. Les outils étaient assez mauvais, les sondeurs très exigeans à cause du monopole dont ils se trouvaient investis. Habitués d’ailleurs à rencontrer quelquefois l’huile en cherchant des sources salées à travers des roches entièrement différentes de celles d’Oil-Creek, ils n’auguraient rien de bon des travaux, et ils avaient intérêt à les faire marcher avec d’autant plus de lenteur que leurs gages étaient plus élevés. Pour comble de malheur, les débordemens de la rivière vinrent plusieurs fois arrêter et même bouleverser les ouvrages commencés. Rien ne désespérait les oil men, les hommes d’huile, comme on les appela bientôt. Ils avaient établi leur quartier-général à Titusville, petite agglomération devenue depuis un grand centre et située dans le haut de la vallée, à moitié chemin entre la rivière Alleghany vers le sud et le lac Érié vers le nord. Il n’y avait alors aucun chemin de fer dans cette contrée, et les routes ordinaires étaient, ce qu’elles sont encore aujourd’hui, déplorables. Le moindre déplacement ne pouvait s’opérer qu’au prix de grandes fatigues, surtout pendant la saison pluvieuse, c’est-à-dire pendant huit mois sur douze. Malgré tout, les hommes d’huile tenaient obstinément la campagne, tantôt à New-York pour lever des capitaux nouveaux ou ranimer le courage des anciens bailleurs de fonds, tantôt à Pittsburg, achetant des machines et enrôlant de bons mécaniciens, d’autres fois à New-Haven ou dans les ateliers de sondage de la Virginie pour s’instruire, le reste du temps aux bords d’Oil-Creek, dans la boue, la neige et l’huile, chaussés de grandes bottes, sérieux, actifs, patiens, l’œil ouvert sur toutes choses, occupés à mettre en pratique sur le terrain les informations recueillies à droite et à gauche auprès des hommes compétens.

Ce fut en 1859 seulement que la première veine d’huile de quelque importance fut rencontrée par la sonde. C’était à une lieue environ au-dessous de Titusville. La veine, située à 23 mètres de profondeur, fournit en moyenne pendant huit mois 1,500 litres d’huile par jour, soit 10 barils américains. La production journalière de tous les puits d’Oil-Creek est en ce moment de 10,.500 barils, et elle s’est élevée souvent au-delà de 13,000.