Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 80.djvu/703

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

suffisant un nombre de têtes égal à celui des victimes. Le prince de Tosa dut en outre s’engager à payer une forte indemnité, destinée aux blessés et aux familles des marins qui avaient péri.

Un membre de la famille impériale, Yamashina-no-mia, était accouru de Kioto pour apporter les regrets du mikado ; sur ses instances, les ministres de France, d’Angleterre et de Hollande se rendirent à Kioto, où ils furent admis auprès de la personne du mikado en audience solennelle. Un incident faillit faire perdre à cette démarche son caractère de conciliation. Deux soldats fanatiques, armés de sabres, se précipitèrent sur le ministre d’Angleterre au moment où il traversait les rues étroites de Kioto pour se rendre à l’audience impériale. Ils blessèrent plus ou moins gravement une dizaine de cavaliers et soldats anglais avant d’être mis hors de combat. L’un d’eux fut tué dans la lutte ; l’autre, saisi couvert de blessures, fut mis à mort quelques jours après. Sur la réclamation des ministres étrangers, la cour de Kioto rendit un décret proclamant que tout Japonais meurtrier d’un Européen serait dégradé, ainsi que sa famille, et, au lieu d’être admis à s’ouvrir le ventre, serait mis à mort comme un criminel obscur.

Les ministres étrangers rentrèrent à Yokohama dans les premiers jours d’avril. Vers la même époque, les autorités chargées d’en prendre possession au nom du mikado vinrent s’y installer à la place des fonctionnaires du taïcoun, qui avaient rallié Yeddo depuis quelques jours. Stotsbachi, déclarant se retirer complètement de la scène, avait quitté la citadelle, et habitait, dans les faubourgs de Yeddo, le temple d’Owoeno, où se trouvent les sépultures de sa famille. Les troupes des daïmios du sud, portant le nom de kangouns, ou soldats du mikado, avaient de leur côté parcouru et occupé sans résistance le pays qui sépare Osaka de Yeddo. Ils marchaient le drapeau du mikado déployé devant eux, et suivis des kougués qu’ils destinaient à remplacer les bounios et autres hauts fonctionnaires de l’ancien gouvernement. Arisoungawa-no-mia, le chef de ces forces, arrivé devant Yeddo le 26 avril, échangea des pourparlers avec la famille de Tokoungawa, et lui soumit les conditions qu’imposait à l’ex-taïcoun le gouvernement du mikado. « L’empereur voulait bien pardonner à Stotsbachi sa rébellion en faveur des services de ses ancêtres, lui accorder la vie et laisser subsister les titres de la famille de Tokoungawa ; mais le château de Yeddo devait être rendu, ainsi que les armes et les navires de guerre. Les troupes devaient être licenciées, et Stotsbachi se retirerait dans la province de Bizen. Quant à la situation particulière de la famille de Tokoungawa et à ses revenus, ils seraient fixés ultérieurement. » Ces conditions furent acceptées par Stotsbachi et les membres de la famille de Tokoungawa présens à Yeddo,