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ainsi que celle des autres corporations de marchands. Toutefois, comme elle est la source du crédit, elle échappe à l’arbitraire d’un pouvoir que les classes inférieures n’ont droit de contester en rien. La richesse et la vitalité de cette ville, qu’un grand mouvement de transports par terre et par mer relie aux provinces centrales du Japon, doivent en faire pour le commerce étranger un centre d’importation très sérieux. Les traités de 1858 accordaient aux Européens l’entrée de cette ville ainsi que le droit d’y résider sous la protection des pavillons de leurs consuls et d’y faire des affaires. Osaka n’est pourtant pas accessible aux bâtimens de commerce, auxquels le fleuve est interdit par la présence d’une barre dangereuse et même impraticable pour les grandes jonques[1] ; aussi les traités avaient-ils stipulé que la ville de Hiogo, située à 10 milles dans l’ouest du golfe et devant laquelle peuvent mouiller les plus grands navires, serait ouverte en même temps. La convention régla l’étendue et la situation de la concession étrangère à Osaka ; quant à celle de Hiogo, elle fut établie à 1 mille de cette dernière, tout auprès de la petite ville de Kobé, dans la baie la plus favorable au mouillage. Les travaux d’installation et de construction des douanes durent commencer immédiatement. En ce qui concerne l’ouverture de Neegata, port de la province d’Etchigo sur la côte nord de Nipon, et enfin celle de Yeddo, dont le séjour devait être permis aux commerçans pour traiter avec les indigènes, il fut arrêté que, les travaux d’appropriation y étant plus considérables, ces deux dernières mesures seraient retardées ; plus tard, en novembre, une convention les fixa au 1er avril 1868.

La situation continuait donc à présenter des apparences satisfaisantes, lorsque tout à coup, en novembre 1867, une nouvelle inattendue arrivait à Yokohama : Stotsbachi résignait le pouvoir taïcounal entre les mains du mikado, la cour de Kioto se refusait à accepter cette démission ; mais quelques daïmios poussaient, disait-on, à des changemens qui équivalaient à une révolution. Les ministres n’étaient plus à Osaka, qu’avait également cessé d’habiter le taïcoun, pour se rendre à Kioto après les conférences de l’été. M. Roches avait eu cependant deux nouvelles et courtes entrevues avec lui depuis cette époque ; le nouveau ministre d’Angleterre, sir Harry Parkes, et ses agens avaient entretenu d’autre part des relations plus ou moins secrètes avec le prince de Satzouma et les daïmios voisins. Ces démarches paraissaient se rapporter à un travail intérieur auquel les représentans européens ne restaient pas

  1. Cette barre reste inabordable pendant des journées entières lorsque le vent du sud soulève la mer contre le violent courant de sortie du fleuve. Il y arrive de fréquens accidens. En décembre 1867, l’amiral américain Bell s’y est noyé avec son aide-de-camp et la plupart des hommes qui montaient son embarcation.