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Les batteries de Simonoseki ouvraient le feu sur les navires de guerre ou de commerce, sans distinction de nationalité, qui essayaient de franchir l’étroit canal reliant la mer de Chine à la mer intérieure du Japon. On sait de quelle façon, reconnaissant au bout de près d’un an l’impuissance du gouvernement du taïcoun à se faire obéir du prince rebelle, et recevant même l’aveu officiel de cette impuissance, les représentans étrangers décidèrent qu’il y avait lieu de rouvrir de force à la navigation le détroit de Simonoseki. L’opération fut conduite avec vigueur par les commandans des divisions navales, et les canons de Simonoseki furent remis entre leurs mains, après deux jours de combat, par les officiers du prince, qui s’engageait à payer un tribut et à détruire ses batteries. Moins heureuse en août 1863, l’escadre anglaise avait livré aux forts de la capitale du prince de Satzouma un sérieux combat dont l’issue avait été douteuse. Venu avec la mission d’appuyer la demande d’une indemnité pour l’assassinat de l’Anglais Richardson, l’amiral Kuper avait mis l’embargo sur les navires du prince, et ce fait avait été le signal de l’action. Quelques mois plus tard seulement, les envoyés de Satzouma vinrent à Yokohama remettre le montant de l’indemnité ; ils témoignèrent du désir qu’ils auraient d’engager avec les étrangers, notamment avec les Anglais, des relations que les traités et la loi du Japon ne leur donnaient pas le droit d’établir.

Tandis que le désarmement des batteries de Simonoseki portait un coup funeste au prestige de sa cause, le prince de Nagato la compromettait lui-même gravement par une tentative audacieuse. Le matin du 20 août 1864, un corps de troupes rassemblé secrètement par ses ordres se présenta aux portes du palais impérial, et tenta de s’en emparer de vive force. Des soldats de Satzouma et du prince d’Aïdzou, de garde à Kioto, accoururent à temps pour repousser cette audacieuse agression, qui avait des complices dans le palais ; il s’ensuivit un violent combat où la ville de Kioto fut en partie brûlée. Un décret du mikado déclara Nagato rebelle pour le cas où il ne se justifierait pas avant un délai de quelques jours. Le taïcoun, chargé de l’exécution du décret, fit détruire et raser entièrement le palais du prince à Yeddo. Nagato replia ses troupes sur sa province sans faire acte de soumission. En vertu de la constitution de Gonguensama, les daïmios furent invités à se ranger sous le commandement du taïcoun pour châtier cette révolte. La situation semblait prendre un aspect favorable aux intérêts des Européens. On espérait généralement que l’ambitieux prince de Nagato allait être mis à la raison par les forces de l’empire rassemblées contre lui, et que les autres daïmios, ennemis du pouvoir taïcounal, mais instruits par cet exemple, accepteraient l’ordre de choses existant. Le commerce, après avoir atteint l’importance qu’il a conservée