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extérieures. Des châteaux occupés par les forces du taïcoun ou en son nom par les daïmîos gonfoudaïs furent bâtis sur divers points du pays. Il eut un délégué à la cour du mikado pour y observer les intrigues qui pourraient se nouer autour du représentant de l’autorité primitive ; enfin les daïmios durent tous avoir à Yeddo, autour de sa résidence, un palais où habiterait à poste fixe au moins une partie de leurs familles, et ils durent à des époques périodiques venir du fond de leurs provinces y passer quelques mois et faire acte de présence et de bon vouloir. Le système que nous venons d’exposer répondait sans doute aux besoins de l’époque, et représentait la meilleure solution du problème de la paix publique, puisque, exemple presque unique dans l’histoire, il maintint la tranquillité intérieure pendant deux siècles et demi. Les successeurs d’Iye-yas n’eurent qu’à le perfectionner. Le code social et politique de cette époque se trouve à peu près réuni dans un ensemble de lois que l’on désigne sous le nom de lois de Gonguensama, mélange de prescriptions de toute espèce concernant la vie publique et privée des Japonais de toutes classes.

Pendant cette longue période où le Japon vécut isolé du reste du monde, ne donnant signe de vie que par ses relations avec les Hollandais de Décima, il ne paraît s’être produit aucun fait d’une importance capitale. Le seul point à étudier pour l’intelligence des événemens actuels est l’application du bizarre mode de succession au taïcounat institué par Iye-yas, mode qui ne se comprend bien que si l’on se rend compte de ce qu’est l’adoption au Japon, notamment dans la classe élevée. Une famille qui menace de s’éteindre adopte un enfant d’une autre famille ; le nouveau-venu change de nom, n’a plus le droit de reconnaître publiquement ses anciens parens, et devient l’héritier des titres et des droits du père adoptif. Or un taïcoun, s’il n’a pas de fils, doit adopter son successeur. Gonguensama décida que les familles issues de trois de ses fils pourvoiraient à la succession au taïcounat, un taïcoun sans enfans mâles devant en adopter un parmi elles. Elles eurent un brillant apanage et le titre de gosangké ; ce furent les Mito, les Kii-siou et les Owari. L’ensemble de ces trois familles est généralement désigné sous le nom de famille de Tokoungawa[1]. On comprend que dans les premiers temps ces familles, ayant entre elles des liens étroits, durent conserver l’entente nécessitée par l’intérêt commun en face de la récente et incomplète soumission des koksis. Toutefois

  1. Gonguensama créa en outre en faveur des familles de huit autres de ses enfans huit fiefs importans dont ils devinrent possesseurs héréditaires, sans toutefois pouvoir aspirer au taïcounat. On les désigne sous le nom de gonkammongké, mot qui exprime l’idée d’un partage égal de biens entre les enfans d’une même famille.