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dernier seul a tenté de déterminer ce quelque chose à l’aide de la science pure, et nous avons vu comment il a échoué dans cette grande entreprise ; mais du moins il a eu le mérite incontestable de définir clairement la cause première à laquelle il attribuait les modifications des types organiques ; il s’est efforcé de montrer quels en devaient être les effets immédiats, et comment ces effets, devenus causes à leur tour, pouvaient commander d’autres résultats logiquement dépendans des premiers. Agir autrement que n’a fait le savant anglais, supposer l’existence d’une faculté métamorphique indéterminée, puis invoquer un plan général de développement sans dire comment il a pu être tracé, parler des lois de la vie sans en préciser le mode d’action, c’est évidemment fonder une hypothèse sur une autre. Or, dans l’état actuel de nos connaissances, c’est là qu’en arrivent toutes les théories reposant sur la transformation brusque, et elles ne peuvent faire autrement. Voilà pourquoi elles me paraissent aussi peu acceptables au point de vue de la science que celles dont la transformation lente forme le point de départ ou la conséquence finale.


III


On ne saurait guère examiner les théories transformistes sans parler de l’application qu’on en a faite à l’histoire de notre propre espèce. Les détails généraux dans lesquels je suis entré permettent toutefois de traiter très brièvement cette question spéciale. Et d’abord, pour qui admet les transformations brusques, rien n’est plus aisé que d’expliquer l’apparition de l’homme au milieu des autres êtres vivans ; mais la facilité même de la solution d’un pareil problème est de nature à mettre en garde contre elle et contre l’idée première dont elle est la conséquence. Dans toutes les doctrines se rattachant à ce principe et qui ont été formulées avec quelque détail, la transformation peut produire subitement un être distinct de ses ascendans au point d’appartenir même à une autre classe que ses père et mère. Appliquée à l’homme, cette donnée permet de le faire sortir à peu près indifféremment d’un mammifère quelconque aussi bien que d’un oiseau, d’un reptile ou d’un poisson. Sans entrer dans d’autres considérations, il est, je pense, permis de dire que le vague et l’incertitude de ce résultat suffit pour le faire rejeter par quiconque tient quelque peu à la précision scientifique.

Les théories qui partent de la transformation lente présentent ici tous les avantages et aussi tous les inconvéniens que nous leur avons reconnus. Pour qui en admet les principes, l’existence de l’homme n’est pas plus difficile à expliquer que celle de toute autre