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garde comme provenant d’un œuf régulièrement fécondé et qui se sont transformées sous ses yeux en une géryonie, méduse appartenant à un type dont les organes rayonnans sont au nombre de six ou d’un multiple de ce nombre[1]. Cette géryonie produit directement et par bourgeon une cunina, autre méduse dont les mêmes organes sont au nombre de huit ou d’un multiple de ce nombre[2]. Les types sont donc différens. Or des observations de M. Hæckel il résulte que les cunina acquièrent au bout d’un temps donné les attributs mâles et femelles qui caractérisent l’état parfait. Tout indique par conséquent qu’elles peuvent se propager indépendamment des géryonies, qui leur ont donné naissance par généagénèse. S’il en était ainsi, si les deux formes médusaires restaient isolées à partir de ce moment sans revenir l’une à l’autre, si toutes deux se propageaient par de véritables œufs, M. Hæckel aurait assisté à l’un de ces faits que suppose la théorie de Kœlliker. Une espèce aurait pris naissance sous ses yeux par hétérogénèse, et l’habile observateur à cru pouvoir conclure qu’il en est bien ainsi[3].

La grave question soulevée par M. Hæckel est cependant loin d’être encore résolue. Il reconnaît lui-même ce que ses études ont d’incomplet, et signale les questions nombreuses qui restent à éclaircir. La première est évidemment de mettre hors de doute la production sexuelle des géryonies. Ce fait fondamental ne résulte encore que de simples analogies avec ce qui a été observé dans un genre voisin. Ici même l’origine ovulaire des larves n’a pas été constatée directement. La conclusion de M. Hæckel n’a donc pas encore de base réelle. Il pourrait bien se faire que les géryonies fussent des descendans généagénétiques des cunina. M. Hæckel n’a jamais rencontré ces deux sortes de méduses isolées l’une de l’autre. Cela seul paraît indiquer des relations bien étroites. Pour ce motif et pour beaucoup d’autres, je crois, avec le professeur Allman, qu’on ne peut voir dans la production des cunina qu’un fait de généagénèse, compliqué probablement par quelques phénomènes de polymorphisme analogues à ceux qu’ont découverts dans le règne végétal les botanistes modernes. Là surtout on aurait pu croire à des transmutations subites, d’autant plus que les corps reproducteurs eux-mêmes présentent des différences morphologiques parfois très grandes d’un stade du développement à l’autre ; pourtant l’étude attentive des phénomènes a montré combien on se serait mépris en

  1. Geryonia (Carmarina) hastata, de la famille des Géryonides.
  2. Cunina rhododactyla, de la famille des Æginides.
  3. On a new form of alternation of generation in the Medusæ and on relationship of the Geryonida and Æginida. (The Annals and Magazine of natural history, 1865) ; traduit de l’allemand.