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III

Les évêques députés par Napoléon auprès de Pie VII étaient tous rendus à Savone le 2 septembre 1811. Ils avaient été dès le lendemain admis à l’audience du saint-père, qui les reçut avec une grande affabilité. « Sa santé nous paraît très bonne, écrit l’archevêque de Tours. Il avait un air d’ouverture et de gaîté qui nous a paru de bon augure[1]. « Il ne pouvait être question d’affaires dans cette première entrevue. En recevant des évêques la lettre du concile et celle qui lui avait été particulièrement adressée par le cardinal Fesch, Pie VII leur dit simplement qu’il avait déjà eu par les cardinaux connaissance du décret. « C’était une grande affaire, un peu compliquée, qui intéressait la paix de l’église, et digne par conséquent de la plus sérieuse attention. Il protesta qu’il recevrait très volontiers, ensemble ou séparément, les membres de la députation chaque fois qu’ils en manifesteraient le désir. » Cette dernière assurance, donnée avec une aimable cordialité, charma surtout M. de Barral, « car une discussion entre neuf personnes, mande-t-il à M. Bigot, est nécessairement vague et reste souvent peu fructueuse, au lieu que huit personnes disant séparément la même chose, et sous des formes toujours convenables, mais un peu diverses, font plus aisément partager leur conviction. » M. de Barral avait donc grand espoir de réussir. Cependant il avait parfaitement compris, d’après un court entretien qu’il s’était empressé de nouer avec M. Bertalozzi, que les principales difficultés surgiraient à propos de l’article 2 du décret. « Autant que j’en ai pu juger, disait avec perspicacité l’archevêque de Tours, ce qui trouble le plus sa sainteté, c’est que d’un côté l’empereur a dit ne vouloir pas s’obliger à reconnaître la spoliation de la souveraineté temporelle de Rome, tandis que de l’autre sa majesté veut que le pape reconnaisse que la nomination des évêques romains appartient, à titre de souverain, au chef de l’empire français. Voilà, comme je l’avais prévu, le nœud de la grande difficulté, de la seule qui nous reste à résoudre[2]. »

  1. Lettre de l’archevêque de Tours à M. Bigot de Préameneu, ministre des cultes, 3 septembre 1821. — Il existe quelques relations manuscrites, entre autres des papiers gardés à l’archevêché de Tours, d’où il semblerait résulter que le pape aurait fait au début un accueil assez froid et même presque sévère aux évêques, et qu’il leur aurait reproché à mots couverts leur attitude pendant la durée du concile. Cette version est erronée. Non-seulement les dépêches écrites de Savone par les cardinaux, les évêques et le préfet de Montenotte la démentent absolument ; mais il ne faut pas oublier que le pape ne savait alors le premier mot ni de ce qui s’était passé dans les délibérations intérieures de cette assemblée, ni de la conduite qu’y avaient tenue les prélats envoyés auprès de sa personne. Ce sont là, comme il arrive trop souvent, des détails racontés après coup par des gens mal informés.
  2. Ibid.