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moyen de revenus très divers, et la nation serbe est obligée de les acquitter.

« Nous nous sommes efforcés, moi et notre tribunal national, de trouver un moyen qui satisfît à toutes les exigences de la façon la plus commode et la plus juste pour le peuple en même temps que la plus avantageuse pour l’état. Nous avons souvent débattu cette question l’an dernier, et nous différions d’avis. Enfin il m’a paru que nous ne pouvions mieux arranger les choses qu’en réunissant tous les impôts de la Serbie en une seule somme, laquelle serait perçue en deux termes, à la Saint-George et à la Saint-Démétrius, de telle sorte que chacun eût le temps de s’acquitter d’un terme à l’autre.

« Pour que le peuple ne soit plus tourmenté pour des vétilles, j’ai proposé un seul impôt de trois écus par semestre, sans qu’il lui soit rien demandé de plus pour les contributions établies jusqu’à ce jour, savoir le hratsch, le tschibouk[1], la taxe de l’évêque, l’impôt personnel, la taxe des mariages, celle des moulins et des instrumens distillatoires pour l’eau-de-vie, celle pour l’engraissement des porcs au moyen des glands, la dîme du maïs, du blé, de l’orge, des ruches et du vin ; enfin le peuple ne sera plus tenu à des corvées pour les fonctionnaires, excepté pour les constructions faites par le gouvernement et entreprises pour l’utilité générale ; encore le gouvernement paiera-t-il ces corvées, au moins aux gens qui y seront occupés tout un jour. Toutefois les villages devront s’entendre entre eux pour la construction des ponts et des chemins.

« Les forêts des villages et leurs pâturages seront désormais un bien commun. Toute la nation paie pour cela des taxes comprises dans l’impôt général ; ce droit payé par tous est la propriété de tous. Dès ce moment, il n’appartient à personne, pas plus à notre gouvernement qu’à un kmète, un fonctionnaire, un marchand, un villageois, de les entourer de palissades, cet enclos ne renfermât-il que dix arbres, ni d’en interdire le libre usage aux gens des autres villages ou districts.

« Si le peuple considère que ces trois écus par semestre remplacent toutes les taxes précédentes, que les honoraires des évêques y sont compris, qu’il n’aura plus d’autres impôts partiels, qu’il gardera désormais sans en retrancher la dîme toutes les récoltes que Dieu lui accordera, qu’il pourra jouir des forêts et des pâturages, que toutes corvées pour les fonctionnaires cessent dès à présent, et que le gouvernement paiera celles auxquelles on se soumettra pour lui ; si, dis-je, le peuple prend en considération ces divers avantages, chacun reconnaîtra, j’espère, que trois écus par tête à chaque semestre représentent bien l’impôt le plus modique qu’on ait jamais payé en Europe. Nous verrons si avec cet impôt il nous est possible de faire face aux dépenses. C’est une expérience à tenter. Au bout de l’année, ce sera le devoir de l’administrateur des

  1. Le hratsch est l’impôt personnel payé en Turquie par tous les raïas mâles de sept ans à soixante-dix ; le tschibouk est le droit de pâturage payé par tête de bétail.