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de cette attaque, et qu’il avait dû céder pour l’ordonner à la pression des chefs de son armée ; lui-même, pendant l’engagement, était resté à Magdala. Il n’est pas douteux qu’en adoptant la tactique d’y concentrer ses moyens de défense pour y attendre les Anglais, il eût pu faire acheter chèrement la victoire à ceux-ci ; mais il est probable qu’en les voyant paraître, dès les premiers jours d’avril, sur le plateau de Dalanta, il ne pouvait croire qu’ils y eussent réuni des forces et des moyens d’action capables de faire tomber Magdala. Informé par ses espions des mouvemens de l’armée anglaise depuis son apparition dans le Tigré, le négus savait qu’il lui avait fallu deux mois pour franchir les dix marches qui séparent Antalo de Sénafé. Comment pouvait-il supposer qu’en moins d’un mois ses ennemis arriveraient d’Antalo à Dalanta à travers un pays bien plus difficile et un parcours au moins double du premier ? En apercevant de ses hauteurs inaccessibles, dans la matinée du 10 avril, le mouvement de la colonne anglaise, il dut croire à une faible reconnaissance dépourvue d’artillerie et dont ses bandes nombreuses et vaillantes triompheraient aisément. On a su depuis que les batteries de montagne avaient été prises par les Abyssins pour des bagages de l’armée, proie qui excitait leur convoitise et qu’ils ne supposaient pas à l’abri d’un coup de main hardi. On ne peut d’ailleurs s’étonner que de pareils ennemis n’eussent pas des notions parfaitement exactes sur les effets foudroyans des canons rayés et des carabines Snider.

Sir Robert Napier, qui avait suivi la première brigade, assista aux dernières péripéties du combat. Il envoya immédiatement à la seconde brigade l’ordre de rallier son quartier-général, tandis que les troupes de la première bivouaquaient sur le lieu même de l’engagement. Pendant la nuit, la seconde brigade rejoignit, et avant la pointe du jour toutes les troupes furent mises en mouvement. Le commandant en chef, se rapprochant de Magdala, alla établir son camp sur un petit plateau au-dessous de l’amba de Fala, d’où il commandait la route qui conduisait aux positions de l’ennemi.

Il serait assurément très exagéré de faire du combat du 10 avril une action de guerre digne des fastes de l’armée anglaise ; mais on comprendra combien le succès de cet engagement imprévu avec un ennemi qu’on avait craint si longtemps de ne jamais rencontrer dut exalter les âmes et y effacer jusqu’à l’ombre de tout sentiment de lassitude ou de découragement. Cette campagne, que des esprits chagrins avaient jugée sans issue, désormais on en voyait la fin brillante et prochaine, suivie d’une rapide retraite. Au bout de cette retraite apparaissait le retour dans la patrie, l’oubli des fatigues, des privations et des misères. Telles étaient les pensées de tous au matin du 11 avril. Quiconque a vu des expéditions lointaines sait