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fréquentes avec eux. Il fallait la prévenir quand l’évêque était mort, et lui donner le nom de celui qui venait d’être nommé à sa place. M. de Rossi croit même reconnaître à des indices sûrs que certaines listes de papes que nous possédons viennent non des archives de l’église, mais de celles de la préfecture de Rome, où on les conservait avec soin et où le copiste aura été les chercher pour être assuré d’avoir un document authentique. Voilà donc pour la première fois l’état en rapport avec l’église, qui lui avait échappé jusque-là. Ils vont prendre désormais l’habitude de vivre ensemble, ils s’uniront si étroitement entre eux qu’ils ne croiront plus pouvoir se séparer et subsister l’un sans l’autre. Nous sommes arrivés au moment où se forment ces liens qui deviendront bientôt si serrés; mais il faut avouer que, si l’église crut gagner à ces rapports plus de sécurité et plus de repos, elle se trompa. Cette protection qu’elle demandait à l’état, et qu’elle était si heureuse d’avoir obtenue, lui rapporta peu et lui coûta cher. Désormais les empereurs la connaissent mieux; ils ont plus directement la main sur elle; lorsqu’ils frappent, ils dirigent leurs coups où il faut. Au lieu de s’égarer sur des fidèles insignifians, ils atteignent sans hésiter le chef de la communauté. Ils savent son nom et sa demeure; ils le saisissent quand ils veulent, l’exilent ou le tuent selon leur caprice, et après s’être débarrassés de lui ils empêchent qu’on n’en nomme un autre. La situation des cimetières est changée aussi. Quand ils étaient une propriété privée, et qu’ils appartenaient, au moins en apparence, à quelque grande famille, on n’osait pas y toucher. Devenus la possession commune de l’église, ils suivirent sa destinée. Ils furent saisis par les agens du fisc, pillés par les soldats de l’empereur, et les chrétiens se virent souvent réduits à les détruire et à les combler eux-mêmes pour les sauver des ravages de l’ennemi.

Ces malheurs ne pouvaient pas se prévoir sous Sévère. On ne savait pas encore les fruits amers que l’église recueille de son intimité avec l’état, et quand la société chrétienne fut autorisée à posséder directement et sans détour le lieu où elle enterrait ses morts, elle se montra très fière de ce privilège. L’hypogée des Cæcilii, rendu plus vaste et plus beau, mis en rapport avec sa nouvelle fortune, devint pour tous les fidèles le cimetière par excellence, et l’on prit désormais l’habitude de lui donner le nom de Calliste, qui sans doute dirigeait les travaux. Ce qui est plus significatif, c’est qu’à partir de Zéphyrin les évêques de Rome y furent ensevelis. On ne savait guère jusqu’à présent pourquoi les papes avaient renoncé tout à coup à la glorieuse sépulture du Vatican. M. de Rossi a démontré la fausseté de toutes les raisons qu’on en donnait[1], et il a

  1. On disait qu’à l’époque de la construction du clique d’Héliogabale, sur la rive