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pose que, tandis que ceux-ci continuaient à être aux yeux de la loi la propriété des familles qui les avaient cédés aux fidèles, celui-là seul appartenait légalement à la communauté des chrétiens. Ceci demande une explication. Il ne peut pas être douteux que bien avant Constantin l’église n’ait obtenu des empereurs les mêmes privilèges que les corporations reconnues par l’état et qui avaient le droit de posséder. L’édit de Milan le prouve lorsqu’il place parmi les propriétés qu’il ordonne de rendre aux chrétiens a celles qui appartenaient, non pas aux particuliers, mais à la communauté tout entière » (ad jus corporis corum, non hominum singulorum pertinentia). Les cimetières faisaient partie de ces propriétés communes, puisque nous voyons qu’après les avoir confisqués sous Valérien on les rendit sous Gallien à l’évêque de Rome, comme représentant de la corporation; mais à quel moment ce droit a-t-il été pour la première fois reconnu aux chrétiens? M. de Rossi pense que ce fut sous Septime Sévère et pendant le pontificat de Zéphyrin. Un changement notable s’accomplissait précisément à cette époque dans la législation romaine. Jusque-là les empereurs s’étaient montrés si ennemis du droit d’association qu’on avait vu Trajan ne pas permettre aux habitans de Nicomédie de fonder un corps de pompiers. Septime Sévère se relâcha de ces rigueurs. Pour devenir sans doute plus populaire, il autorisa les associations de pauvres gens (collegia tenuiorum) qui se formaient pour assurer à tous leurs membres une sépulture honorable. Non-seulement il leur permit de se réunir une fois par mois et de recueillir dans ces réunions l’argent qui leur était nécessaire[1], mais il accorda à la société le droit de posséder la sépulture commune. Il est naturel de penser que cette occasion de devenir propriétaires légitimes de leurs tombeaux ait tenté les chrétiens. La loi était faite pour tout le monde, et ils pouvaient en profiter. Tout porte à croire qu’ils l’ont fait, et que le cimetière de la voie Appienne fut le premier et peut-être quelque temps le seul qui fût soumis à ce régime nouveau. M. de Rossi en conclut qu’à ce moment la communauté chrétienne s’est fait reconnaître et accepter par l’état comme un de ces collèges de funérailles qui couvraient l’empire. L’évêque était naturellement regardé comme le chef responsable de la société; il passait aux yeux des magistrats pour le président du collège. Le diacre, à qui était confiée l’administration du cimetière, avait le rôle de ce personnage qui, sous le nom d’actor ou de syndicus, gérait les propriétés communes. Il s’ensuit que le nom de l’évêque et celui du diacre devaient être connus de l’autorité, qui avait sans doute des relations

  1. Stipem menstruam conferre. Cette expression est tout à fait la même que celle que Tertullien emploie à propos des réunions des chrétiens. Modicam unusquisque stipem menstrua die apponit.