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il n’en est jamais sorti que le type pur et simple de l’espèce à laquelle l’hybride avait fait retour. Jusqu’ici je ne vois rien qui puisse me faire supposer que, dans cette postérité revenue à une des espèces productrices, il puisse jamais se trouver un individu reprenant, par atavisme, les caractères de l’autre espèce. » Darwin lui-même déclare que, soit dans le règne animal, soit dans le règne végétal, jamais il ne s’est produit un fait de ce genre[1].

Quelque étrange que puisse paraître le phénomène de retour, il n’est pas sans analogie avec un fait bien connu des physiciens et des chimistes. Sans vouloir établir une comparaison rigoureuse et surtout une assimilation, on peut rapprocher ce qui se passe dans la succession des générations hybrides de ce que présente une dissolution de deux sels, tous deux cristallisables, mais à des degrés différens. On sait que, pour les séparer, il suffit d’opérer un certain nombre de cristallisations successives, et que ce procédé permet d’obtenir des produits d’une très grande pureté. Le retour aux formes parentes, surtout quand il se manifeste brusquement et en faveur d’un seul type, pourrait tenir à quelque chose d’analogue. Il suffirait d’admettre que l’un des types, ayant la faculté de se réaliser plus promptement que l’autre, l’emporte par cela même sur son antagoniste comme dans un gazon les plantes vigoureuses et précoces étouffent les espèces plus faibles et tardives. Le phénomène de retour se trouverait ainsi ramené à un simple fait de lutte pour l’existence, et rentrerait par conséquent dans l’ordre de ceux qu’ont si bien expliqués les belles recherches de Darwin.

On a voulu comparer à la variation désordonnée et au retour tel qu’on l’observe dans l’hybridation quelques-uns des phénomènes présentés par le métissage. On a, par exemple, assimilé à la première la lutte entre les caractères des deux races parentes observés à peu près toujours chez les métis. Pour montrer combien ce rapprochement est peu fondé, il n’est pas même nécessaire de recourir aux nombreux faits de détail que l’on pourrait invoquer. Il suffit de rappeler la pratique industrielle journalière. À chaque instant, on voit des éleveurs croiser des races parfois très différentes, tantôt pour relever un type inférieur, tantôt pour obtenir une race intermédiaire entre deux autres. Ils n’agiraient pas de même, si ces croisemens avaient pour résultat de produire un désordre comparable, même de bien loin, à celui que signale M. Naudin. Ils s’attendent sans doute à des irrégularités plus ou moins accentuées dans les premières générations métisses ; mais ils savent aussi qu’après quelques oscillations la race s’assoira. Ces oscillations pourront aller

  1. De la variation des animaux et des plantes, t. 1er , chap. VIII, le Paon.