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nomènes, les plus frappans peut-être de tous ceux qu’engendre l’hybridation. Ils oublient la variation désordonnée qui se manifeste dès la seconde génération et qui enlève toute communauté de caractère à ces descendans d’espèces différentes ; ils oublient surtout qu’après quelques générations, ordinairement fort peu nombreuses, ces hybrides perdent leurs caractères mixtes, et retournent en totalité à l’une des espèces parentes ou se partagent entre les deux souches-mères, si bien que toute trace d’hybridation disparaît. Comme il s’agit ici de faits fondamentaux, il est nécessaire de citer quelques exemples pris dans les deux règnes et de résumer quelques observations trop souvent tronquées dans les citations qu’on en a faites.

Quand il s’agit de l’hybridation chez les végétaux, on ne saurait invoquer une autorité plus sérieuse que celle de M. Naudin. Ses premières recherches sur ce sujet datent de 1853. Depuis cette époque, il n’a guère cessé de multiplier des expériences dont la précision et l’importance ont placé son nom à côté de ceux de Koelreuter et de Gærtner. Voici une de celles qu’il a citées comme exemple de ce qu’il a nommé si justement la variation désordonnée. M. Naudin croisa la linaire commune avec la linaire à fleurs pourpres. Il obtint de cette union un certain nombre d’hybrides dont il suivit sept générations sur plusieurs centaines de plantes. Les fils immédiats des espèces croisées, les hybrides de premier sang, furent presque intermédiaires entre leurs parens, et présentèrent une remarquable uniformité de caractères ; mais dès la seconde génération il n’en fut plus ainsi, les différences s’accusèrent de plus en plus. À chaque génération, plusieurs individus reproduisaient les caractères de l’espèce paternelle ou maternelle. Les autres, extrêmement dissemblables entre eux, ne ressemblaient pas davantage aux hybrides de premier sang. À la sixième ou septième génération, ces plantes présentaient la confusion la plus étrange. « On y trouvait tous les genres de variation possibles, des tailles rabougries ou élancées, des feuillages larges ou étroits, des corolles déformées de diverses manières, décolorées ou revêtant des teintes insolites, et de toutes ces combinaisons il n’était pas résulté deux individus entièrement semblables. Il est bien visible qu’ici encore nous n’avons affaire qu’à la variation désordonnée, qui n’engendre que des individualités. »

Cette dernière observation de l’éminent naturaliste est d’une haute importance. Elle établit entre les variétés qui se manifestent spontanément dans une espèce et les formes plus ou moins disparates produites par l’hybridation une différence physiologique radicale. Les premières seules se transmettent et forment des races.