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moins nombreuses comme un arbre dont les branches-mères se subdivisent en branches secondaires, en rameaux, en ramuscules plus ou moins multipliés. À travers quelques différences de langage, il est facile de reconnaître que tous les naturalistes s’accordent encore sur les points que je viens d’indiquer.

Par cela même qu’on accepte l’existence des races, on reconnaît que le type spécifique est variable. La discussion ne peut porter que sur le plus ou le moins d’étendue qu’atteint la variation. Sur ce point encore, on est bien près de s’entendre. Sans doute, emporté par l’ardeur des polémiques, Cuvier n’avait pas assez apprécié la valeur des modifications que présentent nos animaux domestiques ; cependant il reconnaissait que, chez le chien, la distance de race à race égale souvent celle qui dans un genre naturel sépare les espèces les plus éloignées[1]. Ses disciples les plus fidèles ont compris qu’il fallait aller plus loin. Il est impossible en effet de méconnaître aujourd’hui que les dissemblances tant extérieures qu’anatomiques existant parfois entre animaux de même espèce, mais de races différentes, sont telles que, rencontrées chez des individus sauvages, elles motiveraient justement rétablissement de genres distincts et parfaitement caractérisés. Les chiens, chez les mammifères, pouvaient déjà servir d’exemple. Le magnifique travail de Darwin sur les pigeons a prouvé que dans cette espèce le champ de la variabilité n’est pas moins étendu. Certainement, si l’on ne connaissait leur origine commune, aucun naturaliste n’hésiterait à placer dans des genres différens le messager anglais et le grossegorge, dont Darwin nous a donné les portraits et fait connaître l’organisation. Là toutefois paraissent s’arrêter les modifications. Du moins on ne connaît encore aucun exemple d’une race assez éloignée de son point de départ pour présenter les caractères d’une famille taxonomique naturelle à part.

Constatons dès à présent un fait d’une grande importance et dont nous aurons à rechercher plus tard la signification. Chez les espèces sauvages, on ne rencontre que bien rarement des variations comparables à celles qui viennent d’être indiquées, si ce n’est chez les animaux inférieurs et les végétaux. En tout cas, lorsque la même espèce compte des représentans restés sauvages et des représentans cultivés ou domestiqués, ceux-ci varient dans une proportion infiniment plus considérable que les premiers. On pourrait citer ici toutes celles de nos plantes potagères dont l’origine est connue ; les animaux offriraient des faits semblables. Assez souvent des races naturelles de mammifères ont été prises d’abord pour des espèces

  1. Recherches sur les Ossemens fossiles, t. Ier.