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Polybe l’affranchi, pour se délivrer de ses plaintes, et le chef des prétoriens, Catonius, pour s’assurer de son silence. Elle désire les jardins de Lucullus : Asiaticus, qui les possède, est accusé, traîné dans la chambre de Claude, il faut qu’il se tue. En vain il a plaidé sa cause avec une éloquence qui arrache des pleurs aux assistans. Messaline sort en essuyant ses beaux yeux qu’a mouillés une émotion inconnue; d’une voix attendrie elle dit à son complice Vitellius : « Surtout, veille à ce qu’il meure. » La pitié n’avait été pour elle qu’une agréable sensation.

Les femmes ne sont pas épargnées. Je ne parle point des plus belles et des plus nobles, qu’elle forçait de partager ses débauches et de se prostituer sous les yeux de leurs maris. Julie, sœur de Caligula, hardie et ambitieuse, lui inspire des alarmes : elle la fait exiler de nouveau et tuer peu après. Une autre Julie, fille de Drusus et cousine de la précédente, a le même sort. Poppæa Sabina, honnête patricienne qui refuse de figurer dans les orgies du Palatin, est frappée à son tour. A quoi bon répéter le détail des fêtes, des fantaisies, des rapines, des crimes de cette impératrice à jamais fameuse, que les poètes satiriques, le grave Tacite et le flatteur Aurélius Victor se sont accordés à flétrir? Les souvenirs sont plutôt trop vifs sur ce point, et notre tâche est de rechercher quelle clarté, jettent sur le personnage historique les monumens figurés, et comment le témoignage involontaire des artistes fortifie ou contrarie le témoignage réfléchi des écrivains. Les camées, les médailles, les statues qui frappent nos regards nous laissent une impression qui complète l’histoire et fait revivre le type.

Le grand camée de la Bibliothèque impériale qui représente Messaline sur le même char que Claude a été décrit précédemment. L’impératrice, assimilée à Cérès, tient des épis et apporte aux mortels le blé qui les nourrit. C’était à Rome, non point une fiction poétique, mais une terrible réalité; une populace innombrable n’y vivait que des distributions des césars. Sur les monnaies de la ville de Nicée, en Bithynie, Messaline est identifiée à Junon, l’inscription en fait foi. Sur le camée de la Bibliothèque, comme sur celui de Vienne, on ne remarque qu’un caractère idéal, c’est-à-dire conventionnel, trop plein des traditions grecques pour dégager vivement la personnalité du modèle. La même remarque s’applique aux médailles de petit module où Claude et Messaline sont représentés; il est difficile d’y chercher une ressemblance bien exacte à cause de l’exiguïté des dimensions; lorsqu’on voit que ces médailles ont été frappées dans des villes de l’Orient, à Ascalon, à Alexandrie par exemple, il est naturel de penser que dans des pays lointains les graveurs avaient moins de souci de la ressemblance. Ce-