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tobre 1867 jusqu’à nos jours. La politique du traité de 1856 est, selon nous, et doit être la politique fondamentale de la France en Orient. Cette politique ne doit point être désagréable à l’empereur, car elle exprime l’acte le plus important et la partie la plus brillante de son règne. Nous reprochons au cabinet français d’avoir, de 1856 à 1866, c’est-à-dire jusqu’à l’insurrection de la Crète, laissé flotter au hasard les rênes de cette politique, et de n’avoir fait à Constantinople, pour obtenir et pour réaliser les réformes promises par la Turquie en faveur des populations chrétiennes, que des efforts interrompus et négligens, ou, ce qui est pire, d’avoir envoyé en Turquie des projets de réforme marqués au coin de l’imitation européenne, par conséquent inapplicables et ridicules. Nous lui reprochons, quand a éclaté la rébellion crétoise, qui était un moment de crise pour la régénération partielle de l’Orient chrétien et en quelque sorte un des cas qui rentraient le mieux dans le cercle des prévisions de la politique de 1856, d’avoir d’abord pris parti contre cette insurrection sans prendre l’avis de nos consuls, puis d’avoir plus tard pris parti pour cette insurrection avec une brusque ferveur, et demandé, de la même plume qui avait tout refusé à la Crète souffrante, l’annexion de la Crète à la Grèce et par surcroit de l’Épire et de la Thessalie, d’avoir, dans cet accès de philhellénisme que nous ne blâmons que parce qu’il n’a pas duré, mis la Turquie au ban de l’Europe par la déclaration du 29 octobre 1867, enfin tout à coup, et par un brusque revirement d’opinion, d’être passé de la Grèce à la Turquie.

Voilà l’instabilité que nous reprochons à la conduite du cabinet français en Orient. Nous ne voudrions pas cependant ériger cette instabilité en faute irréparable; nous ne cachons pas qu’en effet elle nous laisse des espérances, et que, comme le cabinet français est livré en ce moment à ses plus grandes prédilections turques, nous le croyons d’autant plus près de retourner aux prédilections grecques. Nous ajoutons que, selon nous, il est juste de tenir compte au cabinet français des efforts qu’il a faits de temps en temps pour obtenir les réformes promises par la Turquie en 1856, et même pour y coopérer par les projets de règlemens et de circulaires qu’il a expédiés à Constantinople. Ces projets, étant conçus au rebours des mœurs et des usages turcs, n’avaient, il est vrai, aucune chance de succès, et l’échec en a été aussi prompt qu’il était prévu. Il ne faut pas moins savoir gré de ses bonnes intentions au cabinet français et l’exhorter à les pratiquer sous une autre forme. Il y a trois moyens d’améliorer le sort des chrétiens d’Orient : le premier est d’établir l’égalité entre tous les sujets du sultan, mahométans ou chrétiens, Bulgares ou Slaves, Arméniens