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ce prix néanmoins, le germe a été conservé; il se développera de lui-même. Les tendances en ce sens-là se sont dessinées sous une autre forme. Il faudrait fermer volontairement les yeux à l’évidence pour ne pas reconnaître qu’elles éclatent dans la publication assez fréquente de brochures concernant soit des questions purement locales, soit des sujets généraux, quoique directement liés à l’existence et à la prospérité de Saint-Nazaire. Souvent remplis d’observations judicieuses et pratiques, ces opuscules attestent dans les esprits le besoin de la libre discussion, qui sera toujours le plus solide rempart des intérêts. Les bons effets qui proviendraient de l’ensemble des mesures signalées ne seraient pas renfermés entre les murs de Saint-Nazaire. Ils profiteraient aux différentes catégories de la population à l’embouchure de la Loire. Entre toutes les branches du faisceau, la solidarité n’est pas douteuse. On va voir qu’entre les divers groupes l’analogie se manifeste dans les caractères et les mœurs, comme dans les besoins et les aspirations économiques.


III.

Autant la population agricole du bas de la Loire se montre invinciblement attachée au pays et peu soucieuse du moindre déplacement, autant la population maritime se distingue par son goût pour les plus lointaines expéditions. Ce n’est point le cabotage, c’est la grande navigation qui la séduit et qui l’attire. De même que sur d’autres points de la France, par exemple dans nos départemens de l’est, les soldats semblent sortir du soi, de même ici les marins. Pourtant, sans parler des dangers quotidiens de son métier, le marin est soumis à des incertitudes bien autrement nombreuses qui embrassent sa vie entière. A la différence du soldat, quand il n’est plus enrôlé au service du pays, il n’en reste pas moins marin. Alors que devient-il? Il n’est point d’état où l’on soit désormais aussi peu sûr de trouver du travail et de pouvoir gagner sa vie. La remarque s’étend à tout le personnel de la marine marchande, capitaines au long cours, maîtres au cabotage, simples matelots. Une réelle solidarité existe d’ailleurs entre ces branches de la famille nautique. Quoiqu’il arrive parfois que l’une d’elles puisse jouir momentanément d’une certaine activité quand une autre languit, il est rare que les causes de gêne ne soient pas communes à toute la phalange.

Le caractère le plus attristant de la situation des familles vivant de la navigation à Saint-Nazaire provient des chômages, devenus