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l’éducation de leurs enfans. Non-seulement le père de famille est lui-même instruit et sait apprécier au juste quelle dose d’instruction convient à son fils, non-seulement il paie sans hésitation le prix quelquefois élevé de la rétribution scolaire, mais encore, ce qui vaut mieux, il a le souci de suivre jour par jour les progrès du jeune élève, de lui demander compte de ce qu’il fait, de l’encourager ou le réprimander à propos. Quelques partisans d’une liberté absolue envieront peut-être ce système d’éducation et rêveront de le transplanter ailleurs. Ce qu’il faut envier plutôt, c’est l’esprit national, qui est cause qu’un tel système peut durer sans inconvénient.

La liberté d’enseignement que possèdent les habitans des îles britanniques se retrouve naturellement chez les Anglais des États-Unis, sauf les modifications dues aux habitudes sociales des Américains. Ici l’instruction secondaire est négligée; au contraire l’instruction primaire est très répandue; on a même essayé, quoique sans succès, de la rendre obligatoire. Tous les enfans, pauvres et riches, garçons et filles, sont élevés ensemble. L’état n’exerce aucun contrôle sur les écoles, qui ne dépendent que du pouvoir municipal. Les professeurs sont peu instruits; fermes sans sévérité, patiens sans faiblesse, ils entendent la discipline à merveille; puis ils sont énergiques, ce qui est la qualité favorite des Américains. Leurs classes sont vivantes, on ne s’y endort jamais, rapporte non sans quelque admiration l’un des commissaires de l’enquête anglaise. Ce genre d’éducation ne produit pas des savans, mais c’est une préparation directe à la vie que chaque citoyen de l’Union doit mener par la suite. Les écoles publiques de l’Allemagne ont été guidées par le même principe dans une voie bien différente.


III.

Les écoles allemandes furent régénérées, il y a trois cents ans, par les réformateurs religieux, car les partisans de Luther étaient en général des hommes instruits et lettrés. En Prusse au moins, les écoles reçurent, au commencement de notre siècle, une nouvelle vie à la faveur du grand et patriotique mouvement qui modifia de 1806 à 1812 l’organisation civile et militaire du royaume. Il existait déjà, depuis le règne de Frédéric le Grand, un conseil supérieur de l’éducation. Sous la direction suprême de ministres habiles, — l’un d’eux fut Guillaume de Humboldt, qui était à la fois un savant illustre et un homme politique, — l’instruction publique suivit les progrès du temps. On ne doit pas s’étonner que les écoles de la Prusse se soient débarrassées des traditions du moyen âge. Il y a plutôt lieu d’admirer qu’elles aient échappé à l’influence