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n’y aurait donc plus de place, disent-ils, pour la variété des aptitudes, le libre jeu des opinions, l’originalité des méthodes, auxquelles l’Angleterre doit une bonne partie de sa grandeur et de sa prospérité.


II.

Bien que réunie à l’Angleterre par un lien politique depuis deux siècles et demi, l’Écosse conserve encore dans ses mœurs et ses institutions un caractère éminemment national. Chose bizarre, elle est restée, malgré l’éloignement, plus latine que saxonne. L’Écossais est intelligent, frugal, économe, il aime le travail. Dans quelque pays qu’il se rende, — et il émigré volontiers, — quelque profession qu’il embrasse, il réussit sans peine. Aussi cette vieille contrée se maintient-elle à un rang honorable dans l’ordre des nations civilisées, quoique son climat soit rude et que son sol montagneux soit peu fertile. La population écossaise ne connaît guère l’ivresse des entreprises aventureuses et des opulences subites ; les habitudes de la société sont encore patriarcales. Pour emprunter à M. Fearon une expression heureuse, la richesse ne s’est pas développée plus vite que la civilisation. Sauf peut-être à Glasgow et dans quelques autres villes de haut commerce, on ne rencontre pas de ces ignorans parvenus, si nombreux en Angleterre, qui, partis d’un rang infime, arrivent par un coup de fortune à marcher de pair avec les familles des classes élevées. En Angleterre, l’homme qui possède 100,000 francs de revenu ne veut pas fréquenter celui qui n’en a que 10,000, et celui-ci regarde avec mépris l’individu qui ne possède rien. Le négociant rougirait de voir ses enfans élevés dans la même école que les enfans de son commis. Les Écossais ne sont pas si dédaigneux et craignent moins de se compromettre ; les classes sont plus mêlées, l’éducation est plus généralement répandue et estimée, parce que le succès est moins souvent l’effet du hasard.

Toutefois il convient de faire une restriction : si d’une part il y a mélange fraternel dans les écoles écossaises entre les enfans des ouvriers et ceux des classes moyennes de la société, il faut reconnaître d’autre part que les familles nobles, les grands propriétaires terriens et les principaux industriels envoient de préférence leurs fils en Angleterre. Ces jeunes gens reçoivent l’instruction secondaire à Eton, à Rugby ou à Harrow, l’instruction supérieure à Oxford ou à Cambridge. Ce n’est pas que les établissemens d’instruction de leur pays natal soient indignes de recevoir une jeunesse riche et