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d’Eton n’est accessible qu’aux enfans des familles opulentes. Tout compris, la dépense de l’année dépasse 5,000 francs par élève. Les boursiers eux-mêmes ont à payer pour diverses causes une somme de 1,200 francs par an au moins.

Ainsi les écoliers d’Eton ne se recrutent que dans les classes supérieures de la société britannique. Ces jeunes gens viennent-ils là pour travailler et faire ce qu’on est convenu d’appeler de fortes études? Quelques-uns sans doute; mais il faut avouer que la plupart s’en soucient peu. Les parens d’ailleurs n’attachent quelquefois à l’instruction qu’une médiocre importance. Ils envoient leurs enfans à Eton pour y recevoir l’éducation d’un gentleman, ce qui est le résultat le moins contestable d’un tel régime, pour y faire de belles connaissances qui seront utiles dans la vie, pour former le caractère, l’esprit et le corps aux traditions de la bonne compagnie. Les boursiers seuls soutiennent l’honneur de l’école aux universités et dans les concours. A défaut d’une haute culture intellectuelle, ce petit monde qui déjà s’initie à l’existence un peu frivole de la haute société se livre avec passion aux exercices athlétiques. Les amusemens sédentaires des salons, les jeux de cartes en particulier, sont sévèrement interdits; mais la paume, le ballon, le canotage, par-dessus tout le cricket, sont encouragés par les maîtres, et absorbent plusieurs heures de la journée. Que l’on ne croie pas que ces amusemens soient une récréation facultative; la règle et l’usage font un devoir à tout élève de s’y livrer assidûment. Deux ou trois jours par semaine, les études s’arrêtent à midi : le reste de la journée appartient aux exercices du corps. Une fois l’an, les principales écoles de l’Angleterre se donnent rendez-vous en champ clos sur la pelouse du cricket ou aux régates de la Tamise, et les jeunes vainqueurs de ces luttes solennelles sont les héros du moment, autant et plus enviés peut-être que les lauréats des luttes académiques.

On se sera déjà dit qu’au sein de cette société enfantine il faut une discipline d’autant plus sévère que les élèves jouissent de plus de liberté. Il convient de faire observer d’abord que l’on se tromperait à juger les mœurs des écoles anglaises d’après le tempérament de nos enfans. Les jeunes recrues d’Eton n’arrivent pas à l’école sans avoir déjà le respect inné de la règle, qui est l’un des traits caractéristiques de la nation. Ils passent sans transition de la maison paternelle chez le tuteur, qui continue les usages de la famille en y ajoutant seulement à l’occasion une nuance de fermeté. Cependant la surveillance doit apparaître quelque part. Ce sont les élèves qui se surveillent eux-mêmes; les plus âgés ont autorité sur les jeunes. Les moniteurs, comme on les appelle, sont les élèves de la classe la plus élevée, les disciples immédiats du principal, qui en général