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d’écrire en sortant de chaque séance, semble ressentir assez d’inquiétude sur l’issue probable de la discussion. De concert avec ses collègues opposans, il avait même arrêté un plan de conduite qui témoigne de leur peu de confiance. Ces prélats s’étaient promis, si le vote de la majorité ne répondait pas à leurs vœux, de déposer sur le bureau une protestation en règle. Tout à coup, à leur grande surprise, le cardinal Fesch déclara la séance levée ; la congrégation générale ne se réunirait que le surlendemain 12 juillet. Les membres de l’ancienne majorité de la commission du message se donnèrent alors rendez-vous pour combiner ensemble les moyens de défendre ce qu’ils considéraient comme la cause même de l’église. Le lendemain, vers neuf heures du matin, ils apprirent que le concile était dissous. Le 12, vers trois heures du matin, M. de Broglie, évêque de Gand, M. de Boulogne, évêque de Troyes, et M. Hirn, évêque de Tournai, étaient saisis dans leur lit, et conduite par des agens de police au donjon de Vincennes, et mis au secret le plus rigoureux. Peu s’en fallut que M. d’Ariau, archevêque de Bordeaux, ne partageât leur sort. Il paraît que Napoléon avait également ordonné son arrestation. Le vénérable prélat le savait, et se tenait déjà prêt : comme à son ordinaire, il avait voulu aller dire sa messe à Saint-Sulpice, et tout aussitôt il était rentré chez lui afin que les gendarmes l’y trouvassent, s’ils lui faisaient, disait-il, l’honneur de le venir chercher ; mais ils ne parurent point. Le duc de Rovigo n’avait pas voulu accepter cette mission. « Sire, il ne faut pas toucher à M. d’Avîau, s’était-il écrié ; c’est un saint ; et nous aurions tout le monde contre nous. »

Ces violentes mesures, si soudainement prises par l’empereur, faisaient un étrange contraste avec le calme vrai ou affecté qu’il avait montré quarante-huit heures auparavant au cardinal Fesch. Tandis que les évêques opposans craignaient de ne pas trouver une suffisante assistance auprès de leurs collègues du concile, Napoléon était-il au contraire effrayé des obstacles que lui susciterait leur obstination, ou bien cédait-il, comme il lui est parfois arrivé, à l’envie de se venger à tout prix d’incommodes adversaires ? Nous ne voulons hasarder à ce sujet aucune conjecture. Ce n’est pas la tâche de l’histoire d’expliquer ce qu’il y a de moins explicable au monde, c’est-à-dire les incohérences d’un grand génie dévoyé. Ce qui est certain, c’est que le soir même, à Trianon, où la cour résidait alors, il accueillit très mal le cardinal Fesch quand celui-ci vint hasarder quelques représentations sur le fâcheux effet qu’allait produire la dissolution du concile. Devant l’assistance étonnée, l’empereur accusa publiquement son oncle d’avoir sourdement secondé les plans de l’opposition, et avec un emportement incroyable, sans