Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 79.djvu/970

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

il était probable que la note dont on faisait tant de bruit contenait quelque réserve expresse. Peut-être avait-elle été arrachée violemment au prisonnier de Savone, peut-être aussi la désavouait-il présentement. À ces questions qui approchaient si près de la vérité, les évêques du parti de la cour ne pouvaient répondre que d’une façon évasive, car ils ne savaient rien eux-mêmes qu’à demi. Encore moins l’empereur se souciait-il de suppléer à leur silence. A aucun prix, il ne voulait avouer que le malheureux Pie VII était malade à Savone, que, privé du complet usage de ses facultés, il était hors d’état de confirmer les engagemens naguère acceptés. Cette réserve forcée de l’empereur autorisait à bon droit tous les soupçons. Ainsi, par une étrange complication que son esprit, si grand qu’il fût, n’avait pas suffi à prévoir, cet homme si puissant à la fois et si peu scrupuleux se trouvait expier la longue série de ses violences et de ses duplicités.

Quand le moment fut arrivé pour la commission de faire part à l’empereur du changement qui venait de s’opérer dans son sein, l’embarras devint visible parmi tous les membres. « Je suis pour cela plus mal campé qu’un autre, dit assez naïvement le cardinal Fesch, car hier au soir encore j’ai dit à Saint-Cloud que le décret passerait à une grande majorité. » Il proposa donc à l’archevêque de Tours et aux évêques de Trêves et de Nantes de se joindre à lui ; ils déclinèrent tous trois sa proposition. « Eh bien ! repartit le cardinal, j’irai donc tout seul ; mais je ne réponds nullement de ce qui arrivera. Vous pourriez bien, messeigneurs, avoir prononcé la dissolution du concile. » Cette perspective n’effrayait que médiocrement M. de Broglie et ses collègues de l’opposition.

Le lendemain de cette séance, la surprise des membres de la commission fut assez grande quand leur président leur raconta que l’empereur, devenu tout à coup assez calme au sujet de l’affaire qui les avait tant émus, lui avait seulement dit : « Point de circonlocutions, et faites-moi nettement connaître ce qu’a décidé la commission ; » puis il avait écouté Fesch sans humeur. « De sorte, ajouta gaîment le cardinal en se tournant de leur côté, que messeigneurs de Tours, de Trêves et de Nantes doivent se repentir aujourd’hui de ne m’avoir pas accompagné. — Il est vrai, répondit M. de Barral, que nous n’avons pas été très braves. » Cette remarque dérida tous les visages. Ils se rembrunirent un peu quand le cardinal ajouta que, si l’empereur n’avait pas éclaté, il ne s’en était pas montré pour cela plus satisfait d’une décision qui l’offensait gravement. « Eh bien ! avait-il dit, puisqu’il en est ainsi, j’ai ma commission qui s’assemble chez le grand-juge ; j’irai en avant, si je le veux, et dès demain je dissoudrai le concile. » Fesch lui