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M. de Broglie, que ceux qui sont d’avis de suspendre la décision d’un concile particulier pour attendre l’approbation du pape ! » Les têtes étaient de plus en plus, échauffées. « Vous répondrez de tous les maux futurs de l’église, dit l’archevêque de Tours à l’évêque de Gand, et je vous cite au jugement de Dieu. — Je vous y attends vous-même, répondit M. de Broglie[1]. »

Quels motifs avaient, à deux jours seulement d’intervalle, déterminé les pieux évêques à prendre coup sur coup des résolutions si opposées ? La relation manuscrite et anonyme du concile national trouvée dans les papiers de M. de Broglie fournit l’explication de ce changement. Lorsque les évêques opposans avaient vu dans la note dictée à Saint-Cloud par Napoléon l’assurance formelle qu’un arrangement avait été conclu à Savone entre le pape et les évêques envoyés de Paris, et que par cet arrangement le saint-père accordait tout ce que demandait l’empereur, ils avaient à l’instant senti leur conscience singulièrement soulagée. N’avaient-ils pas, comme c’était leur devoir, défendu autant qu’ils avaient pu la prérogative du chef de la catholicité dans cette matière de l’institution canonique ? Si Pie VII avait jugé à propos de transiger, pourquoi se permettraient-ils d’être plus difficiles que lui ? C’était à eux de trouver bon tout ce à quoi il avait consenti. Telle avait été l’impression du premier moment ; mais presque aussitôt la réflexion était venue. Comment était-il possible, si un pareil accord avait réellement eu lieu, qu’on eût tant tardé à le leur notifier officiellement ? Quoi ! ils étaient réunis en concile depuis trois semaines, depuis huit jours on les pressait de résoudre une question à propos de laquelle ils se croyaient incompétens, et l’on n’avait pas jugé à propos de leur annoncer plus tôt que le pape l’avait lui-même tranchée dans le sens désiré par le gouvernement ! Quoi ! il y avait une pièce écrite qui constatait l’accord préalable, et cette pièce, on ne l’avait pas tout d’abord produite, on s’était contenté d’en parler vaguement ! On la citait maintenant, il est vrai, dans le préambule du décret ; mais aucun d’entre eux ne l’avait vue. Des membres de la commission naguère envoyés à Savone, on ne tirait rien que des propos en l’air. Le cardinal Fesch assurait bien avoir reçu et montrait à la dérobée une lettre du saint-père en italien, portant la date du 19 mai 1811. Quelques passages de cette lettre témoignaient des intentions conciliantes du souverain pontife ; tout cela pourtant n’était guère précis. Quelle raison pouvait-on avoir de ne pas donner connaissance à la commission des causes qui avaient obtenu l’agrément de Pie VII ? Là-dessus les imaginations s’étaient donné carrière.

  1. Journal de M. de Broglie, évêque de Gand.